3 déc. 2017
26 nov. 2017
Pour une croissance où "l'être" prime sur "l'avoir" !
La course effrénée aux profits, conjuguée à une consommation
devenue de plus en plus excessive, nous font croire à un bonheur économique
garanti par l’augmentation du P.I.B. Cette augmentation permet à chaque acteur
économique d’avoir davantage et donc de pouvoir satisfaire ses besoins selon
l’adage : « c’est en ayant plus
que l’on vit mieux ». Or, cette croissance qui détermine le niveau de
l’emploi, qui conditionne notre niveau de vie et celui de notre protection
sociale, reste encore en deçà du seuil de 2% du PIB. C’est pourquoi une
croissance encore plus forte est tant espérée en cette période de fin d’austérité.
Il
existe deux façons de la faire progresser.
La
première consiste à produire plus avec la même quantité de travail au moindre
coût au risque de mettre en péril le climat, d’épuiser les ressources
naturelles, au risque d’appauvrir d’année en année la biodiversité dans les
espèces animales et végétales, ou encore de précariser davantage le travail et
d’aggraver les inégalités.
La
seconde consiste à produire et à consommer autrement en préservant
l’environnement naturel et la biodiversité, en développant les énergies
renouvelables, en encourageant la recherche et le développement ainsi que la formation
professionnelle et la qualité du travail. Créer des emplois, des richesses
durables, répartir les revenus de manière plus équitable, et consommer moins
mais mieux, grâce à une croissance fondée sur la qualité plutôt que sur la
quantité, est une solution rendue possible aujourd’hui. Produire des produits
biologiques, des voitures propres, des biens durables et recyclables nécessite
plus de travail, crée de nouveaux emplois et permet de produire des richesses
sans compromettre l’équilibre environnemental.
Désormais,
satisfaire nos besoins sans compromettre ceux de la génération future, implique
de passer d’une économie fondée sur « l’avoir
plus » à une économie fondée sur « l’être
mieux ». Autrement dit, passer d’un modèle productiviste dominé par le
court terme à un modèle du bien être, dans lequel l’activité économique serait
basée sur la qualité des biens et sur les ressources humaines donc sur le
« toujours mieux » plutôt
que sur le « toujours plus ».
Notre
économie sous l’influence du toujours
plus, continue de privilégier le premier modèle de production en activant
les rouages d’une croissance des quantités plutôt que ceux d’une croissance de
la qualité. Ce type de croissance fige ainsi pour plusieurs décennies
l’économie réelle sur le temps présent afin d’accroître la rentabilité à court
terme au détriment de l’investissement et de l’environnement. Cette logique de
production en négligeant la valeur ajoutée de la qualité et de celle du bien
être sur la société, conduit son propre modèle économique dans un cycle de croissance
générant plus d’externalités négatives que d’externalités positives. De plus,
en différant les investissements préparant la transition écologique, elle
retarde la recherche et l’innovation capables d’amorcer cette mutation dans
laquelle le paradigme « c’est en étant
mieux que l’on vit mieux » trouve tout son sens. Or, aujourd’hui, dans ce
contexte, l’engagement des Etats reste trop souvent restreint par l’influence
de certaines multinationales et de certains lobbies industriels trop préoccupés
par les rendements immédiats.
Cependant,
malgré les différents sommets et accords
internationaux : Copenhague, COP 21 …COP 23, malgré les dénonciations au
grand jour des risques sur la santé publique de l’utilisation des pesticides
comme le glyphosate et malgré les alertes récurrentes des scientifiques sur le
dérèglement climatique, il faudra en revenir à ce vieil adage « aux grands maux les grands remèdes ».
Il faut profiter de l’émergence de la prise
de conscience citoyenne sur les enjeux environnementaux qui se dessine
aujourd’hui, pour en finir avec le culte de la croissance quantitative et
s’orienter vers une croissance qualitative source de bien-être grâce aux
nouvelles technologies.
C’est une autre vision du progrès, qu’il faut
désormais mettre au service de l’économie durable et solidaire où « l’être» prime sur « l’avoir ». Cette orientation nécessite de nouvelles règles de
fonctionnement de notre économie. Elle suppose une révolution radicale de nos
modes de production et de consommation. Cela impose des changements
substantiels dans notre manière de produire, de consommer, de travailler et de
répartir les richesses. Les institutions publiques nationales ou européennes ainsi
que les entreprises sont les seules à pouvoir agir sur les trois rouages de
l’activité économique (Production-Répartition-Consommation)
pour provoquer l’accélération de ce changement structurel. L’idée qu’en vivant
autrement on peut vivre mieux pourrait ainsi se concrétiser progressivement
dans les actes de la vie quotidienne. Construire cette nouvelle économie exige
un projet capable de restaurer la confiance en l’avenir en fédérant les États à
un niveau supranational. Cette ambition fait aujourd’hui défaut en Europe
malgré certaines avancées. La gravité et la rapidité du dérèglement de notre
environnement naturel offrent aux États européens l’opportunité de construire
cette nouvelle croissance pour la génération future. L’Union Européenne pourrait ainsi servir de modèle pour
le reste du monde, en s’engageant dans cette voie où « l’être » prime sur « l’avoir ».
24 sept. 2017
Préférer l'austérité et la flexibilité à l'investissement public : un choix risqué !
Pour
faire face à un chômage structurel persistant malgré une conjoncture économique
favorable fin 2017, le gouvernement a choisi de réformer le code du
travail par la voie des ordonnances afin d’anticiper la reprise économique. Dans
le même temps, il a aussi choisi de
réaliser des économies budgétaires pour
faire face aux déficits publics occasionnés par la politique de l’offre sous le
quinquennat précédent, ce qui l’a conduit à réduire les dépenses publiques,
notamment à baisser les aides au logement et à diminuer les emplois aidés.Baisser les
dépenses publiques à tout prix et flexibiliser le travail pour accélérer la
croissance et l’emploi semble être un choix audacieux.Un tel choix de
politique économique risque d’aggraver les inégalités et de freiner la croissance
prévue pour 2018.Les aides au
logement grâce à notre système de redistribution contribuent à réduire au moins
d’un cinquième l’écart entre les ménages les plus riches et les ménages les
plus pauvres. Aussi, la baisse de 5 euros par mois des aides au logement
permettant d’économiser 390 millions d’euros par an, pourrait davantage creuser
le fossé entre les 10% des ménages les plus riches et les 10% les plus pauvres.Quant aux
contrats aidés, jugés trop coûteux et inefficaces pour lutter contre le
chômage, ils devraient voir leur nombre baisser de 40% en 2018. Ceux-ci sont
pourtant très utiles pour les jeunes chômeurs sans qualification et pour les
chômeurs de longue durée. Ils facilitent leur intégration et leur permettent d’acquérir
une formation. Ils sont très utiles aussi pour les associations et les services
publics, ou encore pour les collectivités territoriales, en particulier pour
les écoles en participant activement à leur fonctionnement. Leur diminution
fait donc courir un triple risque : celui de précariser et d’exclure
davantage les chômeurs les plus vulnérables, de mettre en grande difficulté de
nombreuses associations, et de dégrader
la qualité de certains services publics limitant ainsi leur effet
redistributif. Afin de parvenir à contenir le déficit budgétaire en deçà des 3%
du PIB d’ici 2018, ces efforts budgétaires pourraient bien vite s’étendre
aux investissements publics et à la protection sociale avec le risque
d’aggraver encore plus les inégalités et d’appauvrir les ménages.L’investissement
public est passé ces dernières années en France de 4.2% à 3.5% du PIB. Une nouvelle
baisse serait périlleuse puisque le recours à l’investissement public a un
impact sur l’emploi et la croissance bien plus important que la réduction des
cotisations sociales.
A ces risques s’en
ajoute un autre, celui de la précarité liée à la flexibilité du marché du
travail. En effet, vouloir lutter contre le chômage en flexibilisant le travail
pour réduire la peur d’embaucher, ouvre la voie à la modération salariale. La
rupture conventionnelle collective
pourrait devenir une variable d’ajustement au service de la
compétitivité, pouvant contraindre les salariés à accepter une réduction de
leurs salaires de peur de perdre leur emploi. On peut considérer qu’il vaut
mieux être moins bien payé plutôt que d’être chômeur ! C’est le cas de
l’Allemagne qui a un taux de chômage faible au prix d’une précarité forte.Mais, il faut
être conscient que ce choix accroît les inégalités entre les salariés protégés
et les salariés précaires. De plus, en limitant le pouvoir d’achat d’une grande
partie de ces ménages, il affaiblit le niveau de la demande globale et
inévitablement celui de l’investissement. Avec moins de demande, les
entreprises ne sont pas incitées à investir, elles doivent baisser leurs prix
pour trouver des débouchés. Pour cela, elles pourront désormais plus facilement
diminuer les salaires sous la menace de la rupture du contrat de travail devenue
plus facile. Cette modération salariale affaiblissant de nouveau la demande,
amoindrirait le niveau de l’investissement et condamnerait ainsi notre économie
à des taux de croissance ne pouvant plus dépasser les 2% du PIB. Dans cet
engrenage, la flexibilité du travail deviendrait la seule solution pour lutter
contre le chômage. Or, la justification de la flexibilité du travail s’appuie
sur une analyse erronée de la situation de l’emploi selon laquelle le chômage
serait lié à la rigidité du marché du travail. Le niveau de l’emploi ne se
détermine pas que sur le marché du travail mais découle d’abord du niveau de la
production marchande et non marchande qui dépend de l’investissement, lui-même
dépendant de celui de la demande. Aussi, le meilleur moyen de créer des emplois
est d’investir dans la transition écologique, dans l’éducation, la formation,
la recherche et le développement, dans les services de la santé et les services
sociaux, ainsi que dans les infrastructures de logement et de transport. La
hausse des investissements publics permet de réduire le chômage sans précarité.
Elle permet aussi, selon les théoriciens de la croissance endogène, de préparer
la transition énergétique sans creuser les déficits publics voire même sans
augmenter les impôts ni la dette, grâce
à la croissance économique qui en résulte. Notre économie aurait donc intérêt à
suivre cette voie. D’autant plus qu’il
est possible selon les recommandations du FMI et de l’OCDE, d’étendre cette
politique économique au sein de l’Union Européenne tant les besoins sont
criants, notamment en Allemagne où la vétusté des infrastructures publiques
s’aggrave, et où la précarité ne cesse de s’accroître. L’investissement public
n’est pas une nostalgie Keynésienne, mais bien le moyen d’éviter les risques de
l’austérité et de la flexibilité.
11 avr. 2017
Poursuivons et enseignons la pensée de Bernard Maris !
Bernard Maris était un économiste exceptionnel et original. Original car il redonnait sa juste place à l'humain au sein de l'économie considérée comme une science humaine.
Un grand bravo à Gilles Raveaud pour cet excellent ouvrage sur la pensée de Bernard Maris. Bel hommage et belle approche synthétique et pédagogique de l'œuvre de Bernard Maris. L'économie n'est pas réservée à une élite. On se rendra compte au fur et à mesure de la lecture de l'ouvrage qu'il existe d'autres chemins que ceux présentés par les économistes orthodoxes pour comprendre l'économie.
Livre à faire lire aux citoyens, aux élèves et aux étudiants. Encore un grand bravo à Gilles Raveaud qui permet à tous de comprendre la pensée de Bernard Maris.
10 avr. 2017
L'avenir de l'Union Européenne
Tirer les économies
européennes par les salaires !
La
reprise économique en Europe qui s’est engagée en 2014 semblerait s’essouffler au
soixantième anniversaire de l’Union Européenne (25 mars 2017). La croissance du
PIB était de 1,6% en 2014, elle pourrait passer à 1,4% en 2017 et atteindre
1,3% en 2018. En effet les vents favorables qui avaient permis cette reprise
pourraient faiblir à cause de la remontée du prix du pétrole et du
ralentissement de la baisse de l’euro malgré la politique expansionniste de la
BCE. La remontée de l’investissement reste bien fragile encore aujourd’hui en
Europe malgré le plan Juncker, et parait bien insuffisante pour offrir du
travail à plus de seize millions de chômeurs.
Si la reprise
est toujours là, elle n’est pas suffisante pour retrouver le taux de chômage de
2007 sans qu’aucune nouvelle politique macroéconomique commune ne vienne
prendre le relais pour créer une dynamique européenne. La plupart des pays
européens de la zone euro ont choisi de tirer leur économie par les profits en
poursuivant des politiques de modération salariale pour gagner en
compétitivité. Un tel choix ne fait que gripper les moteurs de la croissance en
comprimant la demande intérieure. Les dix neuf pays, à défaut d’ajustement par
le taux de change, sont contraints de recourir à la dévaluation interne pour
relancer l’emploi et la croissance, ce qui ne fait qu’affaiblir davantage la
demande intérieure et contraindre les pays de la zone euro à rechercher la
croissance par des débouchés extérieurs. Or, chercher à tirer les économies
européennes par les profits plutôt que par les salaires est doublement risqué.
Dès lors que tous les pays de la zone euro mènent des politiques d’austérité
salariale en même temps et collectivement, les échanges extérieurs se
neutralisent car les exportations des uns sont les importations des autres.
Risqué aussi,
car le développement de la baisse des salaires ou le développement des emplois
précaires c'est-à-dire une baisse déguisée des salaires, creuse davantage les
inégalités comme en témoignent la hausse de la pauvreté et celle des disparités
de revenus qui se propagent en Europe. Le taux de pauvreté est passé dans la
zone euro de 16% en 2007 à 17,2% en 2015. Quant au coefficient de Gini mesurant
les inégalités des revenus, il est passé de 0,30 en 2007 à 0,38 en 2015. La
généralisation de la modération salariale finit par nuire à tous les pays
européens. D’un côté, permettant de rétablir les marges des entreprises, cette
modération améliore la profitabilité du capital productif et devrait inciter
les entreprises à investir. Mais de l’autre, contribuant à la baisse de la
demande intérieure, elle réduit le taux d’utilisation des capacités de
production des entreprises et freine l’investissement ainsi que la croissance.
A défaut de demande intérieure suffisante dans les économies dans lesquelles la
part des salaires diminue, les profits d’aujourd’hui ne font pas les
investissements de demain ni les emplois d’après demain. Dans ces conditions,
il devient plus rentable pour les chefs d’entreprise de placer leurs profits
sur le marché financier que d’investir dans l’économie réelle. L’entrepreneur
se transforme ainsi petit à petit en un rentier, ce qui affaiblit encore
davantage la croissance. Cette transformation enferme les économies dans un
cercle vicieux dans lequel : moins de croissance réduit les anticipations
de la demande des entrepreneurs, qui à leur tour réduisent les investissements
et conduisent à moins de croissance et plus de chômage. C’est pourquoi pour
sortir de cette spirale, il devient nécessaire d’augmenter simultanément les
salaires au sein de la zone euro et de faire converger cette hausse entre les
dix neufs pays afin de relancer l’emploi et la croissance. Les salaires ne sont
pas seulement un coût. Ils sont aussi un revenu qui sert de base à la dépense
de consommation autrement dit à la demande intérieure. Une relance coordonnée
des salaires favoriserait les échanges intra-européens représentant plus de 70%
des échanges extérieurs et profiterait à tous les pays membres. De plus,
l’augmentation de la demande intérieure inciterait le rentier à redevenir
entrepreneur, préférant pour accroître ses profits, investir plutôt que placer.
Par son effet multiplicateur, l’investissement créerait un dynamisme
macroéconomique garantissant la reprise et la confiance. Cependant cette politique
salariale macroéconomique doit faire l’objet d’une règle d’or appliquée à tous
et respectée par tous. Celle-ci fixerait
les seuils d’augmentation des salaires indexés à la fois sur l’évolution des
prix, de la productivité et de la croissance. Avec cette règle européenne, les
pays de la zone euro seraient contraints de conduire de manière coordonnée des
politiques salariales convergentes et progressives dans l’intérêt de tous. Ce
n’est qu’à cette condition que les gouvernements européens pourront relancer
l’emploi et endiguer la poussée du populisme.
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