29 oct. 2009

L'impôt : "du moins faute de mieux"

L’impôt : « du moins faute de mieux »
L
’impôt n’est pas ce qu’il est, mais ce que l’Etat en fait. Mais, le réduire, qui s’en plaindrait ? La fiscalité est toujours jugée excessive et injuste par les individus. Justifiée en théorie par des raisons économiques, car le poids des prélèvements fiscaux freine le dynamisme du marché, la baisse de l’impôt de 2010 répond davantage à des motifs politiques dans la pratique.
En effet, les baisses successives des années précédentes n’ont pas permis d’accroître la consommation des ménages, ainsi que les investissements des entreprises pour stimuler la croissance économique. Bien au contraire, elles ont encouragé l’épargne des ménages les plus aisés, et donc n’ont pas eu l’effet de relance de l’activité économique par la demande.

La poursuite de cette diminution est révélatrice d’un choix de société. Elle conforte l’idée que l’intérêt individuel prime sur l’intérêt général et que seul le secteur privé crée des richesses. Par conséquent, les impôts qui financent l’action publique représentent une charge improductive qu’il faut faire disparaître ou qu’il faut réduire.
Cette vision libérale forge progressivement un sentiment antifiscal dans les comportements des acteurs économiques en renforçant leur individualisme. Elle cimente ainsi petit à petit l’idée que l’impôt est une nuisance qui décourage l’esprit d’entreprendre, freine la création de richesses et pénalise l’emploi.
Et pourtant, un tel désengagement fiscal fait plus de mal que de bien.
Il aggrave le déficit budgétaire et alourdit considérablement la dette publique. Son financement par l’emprunt public accroît l’injustice sociale. Car l’Etat emprunte des capitaux aux ménages les plus aisés à des taux supérieurs à ceux du marché financier, au lieu de percevoir les impôts sur leurs revenus. Les classes moyennes, contribuent alors, par l’impôt sur le revenu au remboursement du capital emprunté aux plus riches. Et,
faute d’imposition suffisante pour les revenus financiers colossaux, il encourage la cupidité responsable de la crise actuelle.
De plus, une telle diminution suppose la réduction des missions d’intérêt public de l’Etat car nos impôts financent le fonctionnement des services publics indispensables à la vie économique et sociale : santé, éducation, culture, justice, sécurité, transports, routes…
L’impôt est le prix à payer pour utiliser ces services collectifs et réduire les inégalités sociales.
Alors comment en payant moins d’impôt peut-on avoir plus de sécurité, plus de santé, plus d’égalité et plus d’éducation ?
Le problème qui se pose ainsi est celui du rôle de l’impôt dans notre société aujourd’hui, et à travers lui, celui des services publics et de notre modèle social.
Cette course à la baisse des impôts fragilise la place et le rôle des services publics dans notre société en ne valorisant que l’intérêt individuel. Et, progressivement, elle pourrait les faire disparaître faute de ressources suffisantes pour gérer au mieux l’intérêt public. Lui préférant sa baisse, l’Etat doit-il renoncer à toute réforme de l’impôt direct, et donc abandonner une partie de ses services publics à la concurrence pour réduire son déficit ?
Mais moins d’impôt, c’est moins d’Etat. Les citoyens sont-ils prêts en accepter la charge individuelle?
Le « moins d’impôts » reste une illusion. Et pourtant, malgré ses risques, l’idée de payer moins d’impôt nous réconforte toujours.
La dimension citoyenne de l’impôt sur le revenu se perd, car les ménages ordinaires ont le sentiment d’en payer toujours trop pour un retour en contrepartie insuffisant ou peu significatif, voire même invisible.
Aujourd’hui, la charge fiscale est devenue trop lourde, car elle est inégalement répartie entre les contribuables et trop souvent détournée par les niches fiscales ou paradis fiscaux. En outre, seuls 50% des ménages sont assujettis à l’impôt sur le revenu.
Or, si l’on veut corriger cette perception qu’ont aujourd’hui les contribuables, et si l’on souhaite maintenir notre modèle social, redonner du sens à l’intérêt général et réduire les inégalités, il faut réformer notre système fiscal, plutôt que de baisser les impôts, afin de le rendre plus efficace, plus juste et plus transparent. Autrement dit passer d’une politique budgétaire fondée sur le « moins d’impôts » à une politique budgétaire fondée sur le « mieux d’impôts ».
Ce passage nécessite un élargissement de l’assiette fiscale aux bonus et aux capitaux financiers ne produisant aucune richesse réelle. Cela implique de donner un poids substantiel à l’impôt progressif en réduisant les autres impôts, et de lui attribuer un rôle majeur de gestion et de redistribution afin de valoriser davantage la richesse produite par le travail que celle par le capital. Ce n’est qu’à cette condition, qu’il pourra orienter la finance vers l’économie réelle et rétablir un meilleur partage de la valeur ajoutée.
Le rendement d’échelle ainsi réalisé, devrait garantir la pérennité de notre modèle social à travers les services publics, et modifier nos comportements à l’égard de l’impôt devenu plus juste et plus efficace.
Alors pourquoi ne pas explorer cette voie et s’y engager ?

Il faudra donc beaucoup de courage politique et de solidarité pour supprimer les niches fiscales et les paradis fiscaux, et encore davantage pour réhabiliter cette idée simple que l’impôt progressif n’est pas seulement un coût, mais le prix équitable à payer pour bénéficier des services publics et préserver notre modèle social dans l’intérêt de tous les citoyens.
Or un tel courage permettrait que la richesse de chacun fasse aussi la richesse de tous.

7 oct. 2009

emploi des jeunes

« Il faut bien que jeunesse se passe…mais pas qu’elle trépasse ! »

D’ordinaire plus touchés par le chômage que les autres actifs, les jeunes sont les premières victimes d’une crise économique dont la virulence ne fait qu’accentuer le caractère alarmant de leur situation.
En l’espace d’un an le nombre de demandeurs d’emploi chez les jeunes de moins de 25 ans a augmenté de plus de 30%, une dégradation d’autant plus inquiétante si l’on en juge par la configuration de la pyramide des âges.
Une telle perspective démographique était pourtant porteuse d’espoir d’une amélioration très nette de leur emploi à partir de 2009. Cependant la violence de la crise actuelle assombrit cet horizon optimiste et renforce la crainte des jeunes envers l’avenir.

Les jeunes, derniers entrés dans la vie active sont les premiers à en sortir en période de récession, la plupart d’entre eux occupant des emplois temporaires.
Leur entrée sur le marché du travail implique de franchir le sas de la précarité : intérim, contrats à durée déterminée, petits boulots, emplois aidés, stages sous payés, avant de pouvoir prétendre à un emploi stable et durable. Or à la moindre baisse d’activité économique, ces emplois sont les premiers supprimés par les entreprises. Pour les plus jeunes d’entre eux, souvent sortis de l’école sans diplôme, la voie de l’insertion professionnelle est devenue désormais celle de la précarité. Elle limite la réalisation de leur projet et fragilise leur parcours professionnel. Faute de perspectives, elle les empêche de s’investir pleinement dans la vie de l’entreprise. Les firmes ne les appréhendent ainsi plus sous l’angle d’une ressource humaine, mais plutôt d’un coût salarial que la précarité permet de minimiser.
Le manque d’expérience ou de connaissance du métier de la part des jeunes salariés représente un risque que les employeurs n’osent plus assumer dans un environnement concurrentiel de plus en plus fort, leur préférant des salariés immédiatement productifs.
Dans de telles conditions, les jeunes ne peuvent pas acquérir une première expérience professionnelle leur permettant de construire leur avenir. Or tant que les entreprises auront cette approche comptable rien ne changera.
Pour les plus qualifiés d’entre eux, si le diplôme reste encore une garantie d’employabilité, la situation dégradée de l’emploi rallonge sensiblement la durée de passage de l’université à l’emploi, alourdit considérablement le coût de leurs études et accentue leur dépendance. Pour ces derniers, l’espoir d’une reprise économique pour 2010, ne leur garantit pas nécessairement une meilleure employabilité, attendu qu’en période de reprise, les entreprises préfèrent le plus souvent, recourir d’abord aux heures supplémentaires défiscalisées, avant d’embaucher.
Les jeunes restent ainsi sans emploi, et exclus des minima sociaux, se trouvent confrontés à la pauvreté, alors qu’ils sont les ressorts de la croissance de demain.
Face à l’urgence de la crise, l’extension du RSA aux 18-25 ans semble insuffisante pour aider les jeunes, car elle ne s’applique qu’aux jeunes sans emploi ayant déjà travaillés au moins deux ans.

Alors pourquoi ne pas aider tous les jeunes selon des modalités spécifiques à chacune de leur situation ?
Mais au-delà d’une allocation d’autonomie facilitant leur insertion professionnelle, l’enjeu majeur demeure plus que jamais l’accès des jeunes à l’emploi.
Paradoxalement, nombre de secteurs, tels l’agriculture, l’hôtellerie-restauration, ou encore le bâtiment, jugés trop pénibles, mal payés et peu valorisants, ne trouvent pas de jeunes.
Un tel paradoxe révèle une mauvaise adéquation entre formation et emploi qui pourrait se corriger par un rapprochement de l’école et de l’entreprise. Une meilleure synergie entre les deux permettrait une mutualisation des compétences directement profitables aux jeunes. Ce qui revaloriserait les filières professionnalisantes aujourd’hui désertées. Elles pourraient ainsi attirer des jeunes dans ces métiers leur ouvrant enfin de véritables trajectoires professionnelles.
En outre, un tel dispositif ne sera efficace que s’il parvient à concilier formation initiale et formation professionnelle grâce à un partenariat entre le système éducatif public et les entreprises. Cette alternance devrait être prise en charge par l’école publique et non par des organismes privés, afin de protéger la formation contre les risques de la précarité et être assortie d’un engagement d’embauche des entreprises bénéficiant des aides fiscales. Certaines entreprises se sont engagées sur cette voie, mais elles sont encore trop rares aujourd’hui !
C’est un changement radical de mentalité qui est nécessaire pour refonder la politique de l’emploi des jeunes. Il passe par des mesures institutionnelles visant à associer les entreprises et l’école publique à la construction de l’avenir professionnel des jeunes.
Ce n’est qu’à cette condition que les jeunes trouveront des emplois et que les entreprises leur feront désormais réellement confiance.