5 nov. 2010

La politique de rigueur

Rigueur ou ardeur :  le pari de la confiance !

Les déficits ne sont pas ce qu’ils sont, mais ce que l’Etat en fait. Les réduire qui s’en plaindrait, mais est-ce là la garantie d’une croissance riche en emplois ?

Sous la pression des investisseurs financiers, les pays européens se sont lancés dans une surenchère des plans de rigueur afin d’obtenir une notation favorable des Agences spécialisées.

Les détenteurs de capitaux poussent alors les Etats à imposer l’austérité comme préalable à l’octroi de financements utiles à la relance de l’économie.

Mais comment se peut-il, qu’à la veille de la reprise économique, ces investisseurs financiers jadis sauvés de la panique de 2008 par des gouvernements obligés pour cela d’alourdir leur dette publique, se permettent aujourd’hui de les défier de la sorte, en leur imposant autant de sacrifices en si peu de temps ?

Les déficits contrarient la croissance en la privant des financements avantageux. Ils absorbent une partie de l’épargne des agents, qui fait défaut à l’activité économique.

Aujourd’hui, la baisse des déficits semblerait désormais devenue la condition préalable à la croissance. Elle produirait davantage de croissance grâce à la confiance qu’elle procurerait aux investisseurs dans la mesure où trop de déficits impliquent, nécessairement une hausse potentielle des impôts, qui restreint la rentabilité et décourage l’investissement, moteur de la croissance.

Car la confiance d’aujourd’hui détermine l’investissement de demain, et garantit les emplois d’après demain.

Dans ce contexte, la rigueur s’impose inévitablement à court terme, pour renforcer la confiance des financiers et préparer la croissance de demain.

Elle est désormais la seule issue possible, mais n’est pas sans risque pour notre économie, et pour celle de l’Europe.

Parce qu’elle affaiblit la consommation et limite la portée de l’effet multiplicateur des dépenses publiques, elle pourrait casser à court terme l’élan de la croissance, à défaut de débouchés suffisants au sein de l’Europe.

De plus, une telle surenchère de l’austérité impose des sacrifices très souvent inégalitaires entre les agents économiques au risque de mettre en péril leur protection sociale.

Elle profite davantage à l’économie financière qu’à l’économie réelle, et pénalise ainsi l’emploi sur une courte période.

Alors est-ce si urgent de ramener les déficits à 3% du P.I.B d’ici 2013, alors que l’économie sort à peine de la récession ?

Ne serait-il pas plus efficace d’assainir les finances publiques, une fois l’ardeur économique retrouvée ?

Car, en période de croissance, le retour à l’équilibre budgétaire est moins douloureux pour l’ensemble des acteurs économiques et mieux réparti entre eux.

L’Europe s’est engagée très tôt, dans une spirale de l’austérité qui pourrait lui être fatale.

L’austérité entraîne une croissance anémique, qui contribue à alourdir la dette et oblige, à encore plus de rigueur.

En période de faible croissance, l’Europe risque d’entrer dans ce cercle vicieux où la rigueur appelle la rigueur.

En réalité, comme l’avait bien compris Keynes, le préalable à une reprise de la croissance est un soutien concerté et collectif à la demande, et une lutte massive contre le chômage par tous les moyens. L’emploi crée de l’activité économique et cimente la confiance. Pourtant l’Europe n’a pas choisi cette voie.

Or, c’est seulement en s’engageant sur une politique commune de croissance de l’emploi que les pays européens remettront les finances publiques en ordre et consolideront la confiance financière, et certainement pas en prenant le risque d’une austérité qui pourrait brider la croissance. La rigueur pourrait ainsi faire plus de mal que de bien.

Alors faut-il prendre plutôt le risque de la rigueur que celui de l'ardeur, pour renouer la confiance entre les différents acteurs de la vie économique ?

14 avr. 2010

Réforme des retraites

Retraite : Pour une réforme juste et non faussée !

« Une réforme qui n’envisage pas toutes les possibilités est une réforme faussée ».

Depuis 1987 la question sur l’avenir des retraites fait débat.
Aujourd’hui, hommes politiques, économistes et syndicats nous alertent sur l’impasse financière à laquelle nous conduit la situation actuelle des retraites. Le feuilleton de la réforme se poursuit tous les trois ou cinq ans, et la fin du sixième épisode est prévue pour l’Automne 2010.
Quels en sont les enjeux ?
Conçu au lendemain de la seconde guerre mondiale, notre système de retraite par répartition – selon lequel les retraites sont payées par les cotisations des actifs occupés – subit aujourd’hui des déficits considérables : près de 10 milliards d’euros en 2010.
Plusieurs causes en sont à l’origine : vieillissement démographique, allongement de l’espérance de vie, montée vertigineuse du chômage, précarité des emplois et croissance économique poussive.
Ces variables démographiques et économiques aggravent le déficit du régime de retraite et compromettent son avenir.
Sa réforme est certes, incontournable mais quels sont les paramètres à prendre en compte pour déterminer ses principales orientations ?
La réforme engagée tourne autour de deux axes : l’allongement de la durée de cotisation et le prolongement de l’âge de départ en retraite au-delà de 60 ans. L’enjeu démographique reste toujours le déterminant substantiel des propositions comptables envisagées. Cette hypothèse démographique sert de base à la réforme des retraites pour justifier la nécessité de ces deux pistes.
Face à l’augmentation de l’espérance de vie et de l’arrivée massive de retraités des générations du baby boom, augmenter la durée des cotisations permet de maintenir durablement le niveau de financement des caisses de retraites sous couvert d’une conjoncture économique favorable, ce qui n’est malheureusement pas le cas depuis la crise.
En prolongeant la vie active, une telle mesure conduit inéluctablement les actifs ayant commencé à travailler après l’âge de 20 ans, à prendre leur retraite à 63 ans ou 65 ans voire même 67 ans.
Or, selon la pénibilité de leur métier, la plupart de ces actifs ne pourront pas travailler au-delà de 60 ans et seront donc contraints de cesser leur activité avec des pensions réduites à défaut de durée de cotisations suffisantes.
Cette dégradation sociale fait courir le risque d’une paupérisation de plus en plus forte des futurs retraités et d’une accentuation des inégalités sociales entre les générations. Elle pénalise l’emploi des jeunes en maintenant encore plus longtemps les plus âgés dans la vie active, et affaiblit ainsi le ratio emplois/retraités.
Alors faut-il au nom de la fatalité démographique continuer dans cette seule voie engagée depuis 1993 malgré un regain du taux de fécondité en France de 2,1 enfants garantissant le renouvellement des générations ?
L’équilibre financier d’un système de retraites ne dépend pas seulement du paramètre démographique, d’autres sont en prendre en compte.
Il ne fait aucun doute que la contrainte démographique pèse sur cet équilibre, mais l’évolution de l’emploi et de la croissance économique sont déterminants pour la réduire.
Pourquoi ne pas les prendre en compte dans la réforme ?
La réforme des retraites doit être juste socialement et soutenue économiquement par une politique de l’emploi privilégiant en priorité celui des jeunes et des séniors. Ce qui nécessite un changement radical de comportement des entreprises à l’égard des jeunes et des plus âgés.
Or tant qu’elles continueront à développer des emplois précaires pour les jeunes et favoriser les départs anticipés des séniors, l’avenir de notre système de retraites sera compromis. La question des retraites impose de faire un choix de politique économique et de solidarité sociale pour préparer la société de demain.
Pour la rendre plus juste, on peut envisager de calculer la durée de cotisation en fonction de la pénibilité des métiers. Il est juste d’attribuer des droits en durée selon le degré de pénibilité car il est possible dans certaines activités de travailler plus longtemps que dans d’autres.
Cette flexibilité de la durée tout en respectant globalement une moyenne de 40 années de cotisation, doit être associée à une véritable politique de l’emploi afin de maintenir un ratio emplois/retraités le plus élevé possible garantissant la pérennité de l’équilibre financier et le maintien du taux de remplacement autour de 80%.
Avec une croissance économique plus soutenue et un taux d’emploi élevé il sera plus facile d’augmenter les cotisations sans amoindrir le pouvoir d’achat des actifs et la compétitivité des entreprises, à condition qu’une partie de cette richesse supplémentaire produite profite davantage aux salariés. Ce n’est qu’à cette condition que notre système de retraites pourra relever le défi démographique.
A défaut, la paupérisation programmée des futurs retraités pourrait inciter les jeunes générations à se tourner peu à peu vers la capitalisation.

19 févr. 2010

Dette publique et Dépenses publiques : Plus de rigueur !

Dépenses publiques :
« La rigueur s’impose mais il ne faut pas qu’elle indispose »
Les dépenses publiques ne sont pas ce qu’elles sont, mais ce que l’Etat en fait. Les réduire qui s’en plaindrait, mais est-ce là la garantie d’un Etat plus efficient et moins endetté ?
Sous la pression d’une spéculation contre l’euro qui sème la panique chez les « mauvais élèves » de l’Union Economique Monétaire, les Etats européens vont se lancer dans une surenchère des plans de rigueur budgétaire afin de pouvoir bénéficier des taux d’intérêt les plus avantageux possibles et financer ainsi leur déficit public.
Les détenteurs de capitaux poussent alors les Etats à imposer l’austérité ou à augmenter leurs taux d’intérêt, moyen le plus adéquat pour eux, de maximiser la rentabilité de leurs investissements.
Mais comment se peut-il, qu’à la veille de la reprise économique, ces investisseurs financiers jadis sauvés de la panique de 2008 par des gouvernements obligés pour cela d’alourdir leur dette publique, se permettent aujourd’hui de les défier de la sorte, en leur imposant autant de sacrifices en si peu de temps ?
Devant un tel chantage économique, les Etats n’ont pas d’autre choix que de se résigner à la rigueur s’ils veulent éviter une hausse des taux d’intérêt à long terme. Car, si elle survenait, une telle hausse alourdirait non seulement le coût de leur dette, mais surtout renchérirait le coût du crédit pour les agents économiques, ce qui déprimerait l’investissement, ralentirait la reprise économique et aggraverait le chômage. C’est bien la crainte de cette spirale économique liée à la hausse accélérée de la dette publique (77.7% du PIB en moyenne dans la zone euro) qui justifie la réduction des dépenses publiques ; et notre économie n’y échappe pas.

En période de crise on assiste à une dégradation des comptes publics liée à la fois à des dépenses publiques en augmentation et à des recettes fiscales en diminution. Le déficit public en France est passé de 3.4% du PIB en 2008 à 8% du PIB en 2009, année où la dette publique a atteint un record de 78% du PIB.
Dans ce contexte, l’assainissement des finances publiques s’impose inévitablement à moyen terme, mais n’est pas sans risque pour notre économie et, par extension, celle de l’Europe.
Car la réduction des dépenses publiques risque de freiner la reprise, à défaut d’un soutien durable de l’investissement et de la consommation encore trop fragiles. La rigueur, parce qu’elle limite la portée de l’effet multiplicateur des dépenses publiques pourrait casser l’élan de la croissance et provoquer une crise sociale. Est-ce alors si urgent de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB d’ici 2012/2013 ?
Mais ces dépenses qui représentent plus de la moitié des richesses créées en France et qui ont pourtant permis d’éviter le pire, sont aujourd’hui jugées trop coûteuses en impôts et en déficits sociaux ; les diminuer relève avant tout du choix politique.
Le décideur public peut alors être tenté de prendre le prétexte de l’assainissement des finances publiques pour justifier la réforme de la protection sociale et la suppression de postes de fonctionnaires. Le coût de l’emploi public et la protection sociale se fait plus pesant en période de faible croissance économique, les revenus fiscaux étant amoindris. Réduire les dépenses, sans modifier le niveau de l’impôt permet alors de réduire la dette et de rassurer les investisseurs.
Or moins de dépenses publiques c’est aussi moins d’Etat et par conséquent moins de professeurs, d’infirmières, de magistrats, de policiers et gendarmes, etc.
Sommes-nous prêts à supporter la charge individuelle de ces missions ?
La rigueur incite chaque agent économique à épargner pour sa retraite ou sa santé afin de pallier les insuffisances prévisibles des mécanismes collectifs. Elle renforce l’idée que l’intérêt individuel prime sur l’intérêt général, et que seules les dépenses du secteur privé sont considérées comme des investissements créant des richesses. Ainsi, prisonnier de ce mode de pensée l’agent économique est tenté de considérer les dépenses sociales publiques (éducation, santé, sécurité) comme une charge improductive qu’il faut réduire.
Cette vision biaisée forge progressivement ce sentiment dans le comportement des acteurs économiques européens, renforce leur individualisme et fragilise l’Union européenne. Les difficultés financières de la Grèce et d’autres pays européens fortement endettés sont la preuve de l’impossible coordination face à des spéculations excessives. Une politique de rigueur commune comme seule réponse aux tensions du marché financier pourrait être fatale à la monnaie unique alors que la gravité de la crise offre à l’Europe l’opportunité unique de construire enfin l’Europe sociale et politique. En un mot, la rigueur indispose et l’union s’impose
!

29 janv. 2010

Chômage : l'action n'est pas à la hauteur de l'intention

Chômage : une mobilisation intentionnelle mais peu réelle ?

« Le malheur économique des uns fait le bonheur économique des autres » !

Notre économie sort enfin de la récession en ce début d’année 2010 et la crise financière est désormais derrière nous. Mais ne nous réjouissons pas trop vite, car le chômage pourrait bien ternir cet optimisme économique.
En effet, la dégradation du marché du travail, inquiétante par sa brutalité et son ampleur, ne devrait pas ralentir rapidement tout au long de l’année 2010 avec une reprise laborieuse de 1.5%. Voilà le signe que le chômage reste toujours le point noir de notre économie.
Mais s’en soucie-t-on vraiment ? Cela fait maintenant plus de trente ans qu’il demeure à un niveau élevé, et aujourd’hui il menace des pans entiers de la population active. Tous les salariés ne sont pas frappés de la même façon : les jeunes, les moins qualifiés, les femmes et certains « séniors » sont de loin les plus exposés.
Le chômage a connu quelques timides baisses entre 2000/2002 et 2006/2007, mais durant l’année 2010 il aura du mal à passer en dessous de la barre des 9% de la population active à cause des taux de croissance poussifs.
En l’espace d’un an le nombre de chômeurs a augmenté de 19.7%, une dégradation d’autant plus inquiétante si l’on en juge par la configuration de la pyramide des âges. Une telle perspective démographique était pourtant porteuse d’une amélioration de l’emploi à partir de 2010. Cependant l’allongement de la durée des cotisations des retraites, le recours aux heures supplémentaires défiscalisées et le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, assombrissent cet horizon démographique en réduisant les embauches.

Alors pourquoi une telle impuissance à faire reculer cette maladie économique et sociale ? Serait-elle devenue incurable, comme sembleraient l’indiquer les chiffres depuis plusieurs années ? Le chômage est en train de se banaliser et devient dorénavant un mal économique qu’il faudra s’habituer à supporter en période de croissance.

Aujourd’hui, à défaut de traitements économiques coordonnés et efficaces, les pouvoirs publics ne prescrivent plus qu’un traitement social pour l’atténuer, qui malheureusement trouve rapidement ses limites devant la gravité de la maladie. En réalité, ce mal qui n’épargne aucun salarié, qui entretient toujours la crainte de l’exclusion sociale et du désespoir, ne mobilise toujours pas tous les acteurs économiques malgré l’engagement des gouvernements. Pourquoi ? Ferait-il moins de dégâts sur notre économie que la crise financière ? Ou ferait-il plus de bien que de mal à certains acteurs de la vie économique ?
Nous voilà au cœur du débat. En effet, un niveau élevé de chômage fragilise le monde du travail et le pouvoir syndical. Il décourage toute revendication salariale par crainte de menacer l’emploi. Les grandes entreprises profitent de cette situation car toute modération salariale représente des gains de compétitivité supplémentaires pour affronter la concurrence internationale. De fait, le chômage permet de maintenir un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux actionnaires qu’aux salariés accroissant ainsi leurs profits. Qui s’en plaindrait, si davantage de profits créent davantage d’emplois ? Or ces profits d’aujourd’hui à défaut de consommation supplémentaire « ne font pas les investissements de demain et les emplois d’après demain ». Bien au contraire ils se détournent trop souvent de l’économie réelle pour alimenter les bulles spéculatives.

Le chômage entretiendrait donc le chômage en freinant la progression du pouvoir d’achat. Alors y a-t-il vraiment urgence à mettre fin à une spirale qui favorise la segmentation du marché du travail en nourrissant la dualité entre les contrats précaires et les contrats à durée indéterminée ?
Les uns supportent les besoins de flexibilité des entreprises tandis que les autres bénéficient d’une certaine sécurité professionnelle. Cette division fait le jeu des grandes entreprises car elle met les salariés en concurrence déloyale et leur fait supporter un sentiment d’injustice qui les oblige à accepter la précarité pour renouer avec l’emploi. Ainsi, au nom d’une certaine éthique sociale, l’unification des contrats de travail devient nécessaire. Unification qui passe par la fusion de leurs durées, plus de flexibilité et moins de protection afin de maintenir des emplois ou d’en créer dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Faudrait-il alors accepter moins de protection sociale pour plus d’emploi ?
Dans cette situation sociale convalescente, aggravée par la crise, le chômage sert d’alibi pour justifier les réductions du coût du travail et les déréglementations sociales. Un niveau de chômage quasi-permanent déséquilibre les rapports sociaux entre l’entreprise et les syndicats. Et à défaut de véritable partie prenante sociale dans l’entreprise, la loi remplace petit à petit la négociation collective pour promouvoir le progrès social.
Le chômage est bien le signe que le travail est toujours considéré par les entreprises comme une marchandise et non comme une ressource humaine. Or tant que les entreprises auront cette approche comptable rien ne changera. Tant qu’elles n’auront pas intégré le travail comme une richesse et non uniquement comme un coût dans leur culture ou modèle de management, il sera toujours plus difficile pour les gouvernements de réduire véritablement le chômage.
Toutes les mesures financières et fiscales incitatives à la création d’emplois prises en faveur des entreprises n’ont jamais permis d’accroître durablement les offres d’emplois. Elles ont le plus souvent débouché sur la création d’emplois précaires.
Le chômage deviendrait-il désormais une variable sociale d’ajustement utile pour certains acteurs économiques ? Ce qui justifierait la faible mobilisation pour l’éradiquer !