Désindustrialisation,
déficit commercial, faible croissance et chômage récurrent sont les signes de
la perte de compétitivité de l’économie française. Du rapport Attali (2008) au
rapport Gallois (2012), de la loi Macron (2015) à la réforme du code du travail
(2016), la compétitivité revient, tel un leitmotiv, dans le débat public. Elle
apparait comme un objectif prioritaire des politiques économiques de tous les gouvernements.La compétitivité,
c'est-à-dire la capacité à acquérir des parts de marché, s’obtient de deux
manières : soit par les prix ou soit par la qualité des biens et services
proposés sur les marchés.La première,
fondée sur l’agressivité tarifaire, est qualifiée de compétitivité prix. La
seconde, fondée sur la qualité, est dénommée compétitivité hors prix. Ces deux
formes de compétitivité sont les conditions essentielles pour affronter avec
succès la concurrence et développer la demande intérieure et extérieure. Elles
sont aussi la condition du retour de la croissance et du plein emploi. Leurs
implications sont cependant très différentes. C’est pourquoi le choix entre la
productivité et la qualité de la main d’œuvre et des produits, divise toujours
les économistes et les responsables politiques. Ces différents indicateurs
reposent sur des analyses divergentes de la compétitivité et conduisent à des
stratégies de croissance dissemblables. Leur mise en œuvre n’a pas les mêmes effets
sur l’économie. Si l’objectif est de rétablir la compétitivité prix, il devient
nécessaire de réduire le coût du travail (salaire
brut + cotisations sociales patronales) et d’engager des réformes
structurelles du marché du travail. Cela incite les entreprises à rechercher des
gains de productivité soit en allongeant le temps de travail sans modifier les
salaires grâce à des accords d’entreprise dérogeant à la durée légale du
travail, soit en délocalisant leur production. Le risque est grand que chaque
entreprise impose ses règles par un chantage à l’emploi. Il est d’autant plus
grand, qu’il pourrait se retourner contre elles au niveau macroéconomique en
réduisant la demande globale. Cette recherche accrue de la compétitivité prix à travers la
dévalorisation du travail tend à opposer les intérêts de ceux qui achètent aux
intérêts de ceux qui produisent, oubliant au passage que ceux qui produisent et
qui achètent sont les mêmes agents économiques, dénommés autrement. Il s’agit
là d’une stratégie économique selon laquelle la réduction des droits sociaux
serait le levier de la compétitivité favorisant l’activité économique. Cette stratégie qui suppose un délitement de la
cohésion sociale fait naître un nouveau modèle de croissance : précarité-compétitivité-prospérité,
vers lequel s’orientent de plus en plus les pays européens au risque d’aggraver
les inégalités.Or les gains de
compétitivité peuvent être obtenus par d’autres moyens et être à l’origine d’un
autre modèle de croissance.
Si l’objectif est
de rétablir la compétitivité hors prix, alors misons sur la qualité
partout !
Face au déclin de
la compétitivité et à la concurrence des pays émergents, la qualité des
produits et services, le niveau de qualification et de formation des salariés
ainsi que l’innovation sont les conditions essentielles pour acquérir un
avantage concurrentiel. Le rétablissement de la compétitivité hors prix passe
non seulement par un investissement accru dans la recherche et développement
mais aussi par une montée en gamme de tout notre appareil productif en suivant
l’exemple de l’industrie du luxe et de l’industrie de défense. Au-delà du luxe
et de l’industrie de défense, la démarche fondée sur la
qualité doit être présente sur toute la chaîne de valeur de notre système
productif et être transversale à toute activité industrielle ou de service.
Pour amplifier cette montée en gamme, il est nécessaire de valoriser les
ressources humaines et d’améliorer la qualification des salariés les moins
qualifiés car il ne peut y avoir de qualité sans qualification. Cette recherche
de la compétitivité par la qualité permet aux entreprises d’échapper à la
concurrence par les prix et d’impliquer pleinement les salariés dans la
création de la valeur ajoutée dans chaque produit ou service. Elles seront
ainsi incitées à se concurrencer en améliorant la situation des salariés. Il
s’agit là, d’une stratégie selon laquelle le capital humain deviendrait le
tremplin de la compétitivité. Cette stratégie qui suppose la participation de toutes
les parties prenantes au développement de l’entreprise et de celle de
l’Etat-Providence à celui de l’éducation et de la formation, pourrait faire naître un nouveau modèle de
croissance : qualité-compétitivité-prospérité, vers lequel les économies européennes
devraient s’engager afin de renforcer leur coopération pour le bien être de
tous.D’une manière générale, une politique de baisse du coût du travail ne peut pas être l’unique réponse à la baisse de la compétitivité de notre économie. Les salaires sont élevés dans les pays industrialisés parce qu’ils ont été compétitifs. Or aujourd’hui, la concurrence des pays émergents ou celle des pays européens à bas salaires nous oblige à développer la qualité qui nous permettrait de continuer de faire progresser nos salaires et nos droits sociaux. Préconiser uniquement une baisse du coût du travail reviendrait à renoncer à la compétitivité hors prix pour renforcer la compétitivité-prix et donc à choisir la précarité à la qualité pour gagner des marchés. La compétitivité deviendrait ainsi une idéologie à partir de laquelle se construit un modèle de prospérité et de société.
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