L’Europe : problème ou solution ?
La reprise économique européenne est poussive. Le chômage dépasse les 10% de la population active et a atteint le seuil critique des 15% en Espagne, en Italie, au Portugal, en Grèce, en Croatie.... La croissance économique de l’Union est faible. Les États européens se sont majoritairement et simultanément lancés dans des politiques d’austérité pensant conjurer cette conjoncture, mais aujourd’hui ils doutent logiquement de leur choix malgré quelques chiffres légèrement encourageants pour certains.
Comment l’Europe en est-elle arrivée là ?
Plus de cinquante ans après le traité de Rome, l’Union européenne empêtrée dans une stagnation économique,
semble en panne.
Ses résultats économiques médiocres amplifient et consolident la progression des eurosceptiques
dans les pays du continent. Ils font de l’Europe un problème.
Cette vision négative de l’Union qui se propage, bloque l’émergence d’une
nouvelle étape dans sa construction. Le processus européen est stoppé par l’absence de nouvelles perspectives ou de
nouvelles solutions à la crise.
Ce n’est pas surprenant, car s’unir dans la diversité par
l’intermédiaire des échanges sur les bases d’une concurrence libre et non
faussée entre vingt- huit pays, est structurellement défavorable au
développement économique et social de l’Union européenne.
En choisissant
l’élargissement plutôt que l’approfondissement, les dirigeants européens ont
encouragé la compétition entre les pays européens, les poussant ainsi dans des
comportements égoïstes.
Quelle illusion de croire que les liens commerciaux créent des liens
sociaux ! Quelle illusion de croire aussi que les écarts économiques et
sociaux entre ces pays finiront bien par s’estomper grâce à leur adhésion
commerciale à l’Union ! Ce qui a été vrai pour l’Espagne ou le Portugal en
1986, ne l’est pas nécessairement pour les pays européens entrés depuis 2004,
du fait de leur nombre, de leurs structures économiques et sociales et
des nouvelles forces concurrentielles qui se sont développées sur le marché.
De tels écarts, dans un marché unique sans harmonisation sociale et fiscale
conduisent les Nations européennes à l’affrontement économique et au développement
du chacun pour soi plutôt qu’à la coopération. Ils favorisent le dumping social
et fiscal dans lequel la libre circulation des capitaux et celle des services
relative au détachement des salariés, profitent davantage aux pays ayant les
coûts du travail les plus faibles et la fiscalité la plus avantageuse. Chacun cherche
désormais à exporter davantage chez ses voisins et à attirer les capitaux chez
lui. Le gain qui en résulte est relatif et provisoire, car tous recherchent à
développer leur avantage concurrentiel.
Or cette baisse généralisée du coût du travail réduit dans le même temps la demande intérieure européenne. Elle
pénalise la croissance, aggrave le chômage et développe les importations de
produits étrangers moins chers.
Ce dumping intra-européen lié à l’élargissement de l’Europe favorise les
délocalisations et multiplie les fermetures d’usines devenues moins rentables.
Il met en péril certaines filières entières ne pouvant plus faire face à la
concurrence sur le marché européen à cause de coûts de travail trop
élevés.
De plus, le primat du dogme concurrentiel a empêché la constitution
d’entreprises industrielles européennes, de groupes européens, au nom du risque
de la position dominante prohibée par la règle de la concurrence libre et non
faussée. De fait, les grandes entreprises
nationales se sont tournées vers le marché asiatique. L’offre européenne s’est
atomisée et externalisée. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a la plus grande difficulté à protéger son
grand marché de la concurrence des pays émergents.
D’autre part, ce primat de la concurrence a incité les pays
européens à se lancer dans une course effrénée à la baisse des impôts afin
d’attirer les investisseurs. Cette course a réduit les recettes fiscales des
Etats, notamment des plus grands, et a ainsi aggravé leur déficit budgétaire. Cela a alourdi leur dette publique et les a
contraints sous la pression des marchés financiers, à instaurer des plans
d’austérité plus ou moins sévères selon leur niveau d’endettement.
Or, le problème fondamental
des vingt-huit États qui partagent le même marché est celui de la solidarité.
Pour faire face à la crise et à la mondialisation, il leur faut avancer
groupés et rester solidaires. Ce n’est qu’unie que l’Europe peut être forte.
Pourtant, certains États européens refusent encore de s’engager dans
cette voie collective. Les États européens semblent paradoxalement unis dans
leur volonté de retrouver la croissance, mais terriblement désunis dès qu’il
s’agit de définir une méthode ou une politique commune. L’avancée européenne
est devenue soumise au tempo du stop and go : des pas économiques auxquels succèdent des piétinements
politiques.
Il est donc urgent que l’Europe franchisse une autre étape dans son
processus d’intégration et qu’elle œuvre à la construction d’une Europe de la
solidarité avant que l’Union ne se fissure davantage. La réussite solidaire doit
primer sur l’exploit solitaire, sinon l’Union européenne pourrait se
transformer rapidement en une Europe des « Etats désunis ».
L’Europe sociale devient désormais l’étape indispensable pour poursuivre le
processus d’intégration et assurer son développement. Elle est une solution à
la crise actuelle.
Mais à défaut d’un projet social européen véritablement fédérateur, il sera
toujours difficile de créer une solidarité entre les Etats qui partagent
pourtant le même marché et pour certains la même monnaie.
Pour réaliser un tel exploit
les pays européens doivent franchir les étapes de l’intégration fiscale,
budgétaire et sociale, tout en réformant les institutions et les traités
européens actuels. Il n'est dès lors pas
certain, qu’en période de crise, les Nations européennes, parfois tentées par le repli national, seront prêtes à les franchir pour que la « solution» l’emporte sur
le « problème » !
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