Chômage : le pari
de l'offre face au mur de l'austérité
Pour être efficace, la politique de
l'offre doit s’accompagner d’un desserrement de la rigueur européenne.
La dégradation du marché du travail,
inquiétante par son ampleur, risque de se poursuivre durant l’année 2014 faute
de reprise économique conséquente. Le nombre de chômeurs de catégorie A a ainsi dépassé le seuil des 3,3
millions. Voilà le signe que le chômage reste toujours le point noir
de notre économie. Cela fait maintenant plus de quarante ans qu’il dure et
aujourd’hui, il menace des pans entiers de la population. Le chômage en France
a connu quelques timides baisses entre 2000-2002 et 2006-2007, mais en ce début
d’année 2014, il pourrait bien vite dépasser la barre des 10,5% de la
population active.
En Europe, il a franchi les 10% de la
population active et s’élève à plus de 15% dans certains États européens tels
que l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Grèce, la Croatie… En l’espace d’un an
le nombre de chômeurs a ainsi considérablement augmenté. La dégradation est
d’autant plus inquiétante que les effets des plans d’austérité sur la
croissance sont particulièrement négatifs.
A défaut de traitements économiques
coordonnés et efficaces au niveau européen, les pouvoirs publics ne prescrivent
plus pour l’atténuer qu’un traitement social, qui malheureusement trouve
rapidement ses limites devant la gravité de la maladie.
Politique de l’offre
Ce mal qui n’épargne aucun salarié, qui
entretient toujours la crainte de l’exclusion sociale et du désespoir, fait
resurgir aujourd’hui la formule classique «politique de l’offre» comme l’ultime
remède.
Pour la première fois un trio d’acteurs
économiques : Etat, syndicats, entreprises
s’engagent à travers le pacte de responsabilité et malgré leur
divergence d’intérêts, à inverser la courbe du chômage. En contrepartie d’une
baisse des charges sociales de 30 milliards d’euros, les entreprises devraient
donc embaucher.
Une telle mesure s’appuie sur une approche
libérale du travail selon laquelle la demande de travail dépend de son prix.
Plus ce prix est faible, plus il devient rentable pour l’employeur d’embaucher.
Le coût du travail serait-il devenu désormais la principale cause du chômage ?
L’histoire économique nous a montré la limite de cette relation dans les années
1980. Les tenants de cette politique prônent la réduction des dépenses
publiques, la baisse des impôts et des charges pesant sur les entreprises.
En réduisant ainsi le coût du travail, les
entreprises seraient incitées à produire plus et à augmenter leurs marges ou à
baisser leurs prix pour être plus compétitives. Selon les économistes de
l’offre, la croissance découle de la production et non de la consommation,
celle-ci n’étant que la conséquence de l’accroissement de l’activité
économique. Au cas d’espèce l’offre ne créera la demande et des emplois
seulement si les bénéfices réalisés par cette baisse sont affectés à
l’investissement et à l’innovation et si la distribution des revenus qui
découle de la production profite davantage aux salariés. Or ces profits
d’aujourd’hui, à défaut de pouvoir d’achat supplémentaire des ménages, ne font
pas les investissements de demain ni les emplois d’après demain. Bien au
contraire, ils se détournent trop souvent de l’économie réelle pour alimenter
les placements financiers. De plus une baisse des charges ne permet pas à nos
entreprises d’aligner leurs prix sur ceux des entreprises des pays émergents.
L’écart social entre ces pays et le nôtre rend impossible et insoutenable toute
compétitivité prix.
Panne d’investissement
Aujourd’hui, les grandes entreprises
consacrent deux fois plus d’argent aux versements de dividendes qu’aux
investissements. En sacrifiant ainsi leurs investissements au profit des
actionnaires, elles réduisent leur marché et se privent de débouchés. A défaut
de demande, elles n’investissent plus et perdent leur compétitivité. Plus
l’investissement prend du retard, plus le retour de la croissance tarde et plus
le chômage poursuit son envolée.
Cette panne de l’investissement paralyse
son effet multiplicateur et met en difficulté l’ensemble des entreprises et
plus particulièrement les PME. Ayant moins de commandes, leur situation
financière se dégrade et leur taux de marge baisse considérablement. Elles se
trouvent contraintes de réduire leurs effectifs pour réduire leur masse
salariale afin de rétablir leur compétitivité et de restaurer leurs marges.
L’emploi est assujetti à leurs carnets de commandes et non à leur coût du
travail.
Dans cette situation sociale
convalescente, aggravée par la rigueur qui freine la demande, le pari de
l’offre semble très audacieux. L’audace pourrait toutefois être payante, à la
seule condition que ce regain de production s’accompagne d’un desserrement de
la rigueur européenne afin que les produits trouvent de nouveaux débouchés sur
les marchés. Ces nouveaux marchés permettraient de remplir les carnets de
commandes de l’ensemble des entreprises, qui en retour seraient incitées à embaucher.
Ces emplois ainsi créés, stimuleraient la demande intérieure, augmenteraient
les recettes sociales et activeraient le rouage de la production tout en
réduisant les déficits sociaux et les impôts.
Le pari de la baisse du chômage ne
pourrait donc être gagné, que si l’on pousse l’offre sans freiner la demande !
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