Les pays occidentaux ne dominent
plus exclusivement le monde d’aujourd’hui. La concurrence internationale a changé
la configuration de l’économie mondiale.De nouveaux maîtres du monde en devenir que sont
l’Inde et la Chine, font basculer la richesse économique de l’Ouest vers l’Est
en modifiant la partition Nord/Sud.
Même si ces pays émergents sont encore bien loin de
rattraper le niveau de vie des pays industrialisés, leur développement rapide
modifie les relations économiques et commerciales de la triade
(États-Unis/Europe/Asie).
Et pourtant, la compétition, si chère aux vertus de
l’Homo economicus, pourrait bien vite
trouver ses limites.
L’Inde, comme la Chine, connaît des taux de
croissance parmi les plus élevés de la planète... …mais au prix de fractures
sociales croissantes. Bâtir la prospérité économique sur la précarité sociale
est une forme de grand écart qui arrivera bientôt à ses limites.
L’Inde est un pays de culture anglophone qui a
parfaitement fait sien le modèle libéral. Le groupe Mittal nous le démontre aujourd’hui
avec ses stratégies de domination par les coûts à l’échelle mondiale.
La dixième puissance économique mondiale se
caractérise par un progrès économique rapide, par une croissance
impressionnante et une prospérité dans les secteurs de pointe comme
l’informatique ou la pharmacie.
Cependant, face à ce décollage économique vertical,
s’oppose un déclin social qui entrave son développement. La fracture sociale
entre les bénéficiaires de la mondialisation et la population vivant dans la
misère, s’est considérablement aggravée ces dernières années.
Plus de 80% de la population y vit avec moins de
deux dollars par jour dont la moitié est en état de malnutrition. Cette
pauvreté a amplifié l’exode vers les villes marquées par un développement
exponentiel des bidonvilles et des sans-abris.
Quant à la Chine, son essor s’est réalisé aussi
vite, grâce à ses exportations fondées sur une main d’œuvre peu coûteuse et
démunie socialement. Les produits chinois inondent la planète, menacent les
emplois des pays dits « développés », tirent leurs salaires à la baisse,
les contraignant à accepter la précarité pour maintenir leur compétitivité.
Malgré le chemin parcouru, la Chine reste encore un
pays qui devra surmonter une série d’obstacles sociaux, démographiques et
environnementaux, pour rejoindre le groupe des pays développés.
Ces trois défis pourraient compromettre son modèle
de développement, si les autorités chinoises ne prennent pas les mesures qui
s’imposent.
La domination de la Chine sur le monde est parfois
exagérée. Selon les projections des observatoires économiques internationaux,
les Chinois ne doubleraient les États-Unis en termes de PIB qu’en 2032. Les
Occidentaux ont donc encore un peu de répit. Et puis, le PIB ne fait pas tout.
La Chine est certes, l’atelier du monde mais elle innove peu. Son modèle de
développement est fondé sur une logique quantitative au détriment du qualitatif
et de nombreux scandales notamment sanitaires, mettent en lumière les limites
d’un modèle où seul le critère prix importe.
Par ailleurs, son modèle culturel et politique reste peu attractif, à
commencer pour ses voisins immédiats. Le « Chinese way of life » ne fait rêver personne et certainement
pas les Chinois de la diaspora. Sa langue s’exporte difficilement, sa culture
de même et ses universités ne valent pas encore Havard ou le MIT. D’autre part,
la Chine n’a pas de « soft
power ». Son réseau d’alliés est faible et puis, surtout, les
questions de politiques intérieures sont traitées dans l’opacité. Cette opacité
masque mal les tensions sociales internes qui mèneront la Chine vers des
conflits sociaux dans les années à venir. La classe moyenne émergente réclamera
des droits individuels et politiques tandis que les classes laborieuses
demanderont un meilleur partage des richesses. Les structures économiques et
sociales du pays pourraient être alors ébranlées. La Chine est donc une
concurrente modeste, mais qui aujourd’hui, gagne du terrain et fragilise les
modèles sociaux des pays industrialisés en accentuant les délocalisations.
Ces pays émergents que sont la Chine et l’Inde,
dopés par la croissance, ont fondé leur essor sur le progrès économique au
détriment du progrès social. Or, les
inégalités créées par un tel choix, pourraient bien vite freiner leur décollage
économique et se transformer en une bombe en retardement.
Comment peut-on croître sans développement humain ?
C’est tout le paradoxe des pays émergents. Cela pourrait être aussi, celui des
pays dits « développés », si le court terme
continue de déterminer le tempo de leur croissance. En effet, lorsque le court
terme prime sur le long terme, l’incertitude gagne les investisseurs et
s’enracine dans leurs décisions. Leur crainte oriente leur choix sur la
recherche de la rentabilité immédiate ou sur des placements financiers
spéculatifs plus sûrs et fructueux à court-terme, contrairement à l’innovation
et au capital humain qui ne sont fructueux qu’à long terme. Ce besoin immédiat
de sécurité, verrouillé par l’égoïsme, enferme les États dans une forme de croissance
où le progrès économique affaiblit le progrès social pour mieux se développer.
Cette règle forge le sentiment que désormais, la précarité est nécessaire pour
stimuler la croissance de demain. Or, ce fatalisme conduit à une croissance
sans développement humain comme celle des pays émergents.
Alors pourquoi ne pas tirer les leçons du paradoxe
des pays émergents et s’engager sur une croissance valorisant à la fois le
progrès économique et le progrès social ?
Le bateau de la croissance ne peut naviguer
indéfiniment sur un océan de pauvreté et d’inégalités. Ne pouvant plus
maintenir son cap, il finira par couler, sauf s’il modifie sa voilure !
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