Dépenses publiques :
« La rigueur s’impose mais il ne faut pas qu’elle indispose »
Les dépenses publiques ne sont pas ce qu’elles sont, mais ce que l’Etat en fait. Les réduire qui s’en plaindrait, mais est-ce là la garantie d’un Etat plus efficient et moins endetté ?
Sous la pression d’une spéculation contre l’euro qui sème la panique chez les « mauvais élèves » de l’Union Economique Monétaire, les Etats européens vont se lancer dans une surenchère des plans de rigueur budgétaire afin de pouvoir bénéficier des taux d’intérêt les plus avantageux possibles et financer ainsi leur déficit public.
Les détenteurs de capitaux poussent alors les Etats à imposer l’austérité ou à augmenter leurs taux d’intérêt, moyen le plus adéquat pour eux, de maximiser la rentabilité de leurs investissements.
Mais comment se peut-il, qu’à la veille de la reprise économique, ces investisseurs financiers jadis sauvés de la panique de 2008 par des gouvernements obligés pour cela d’alourdir leur dette publique, se permettent aujourd’hui de les défier de la sorte, en leur imposant autant de sacrifices en si peu de temps ?
Devant un tel chantage économique, les Etats n’ont pas d’autre choix que de se résigner à la rigueur s’ils veulent éviter une hausse des taux d’intérêt à long terme. Car, si elle survenait, une telle hausse alourdirait non seulement le coût de leur dette, mais surtout renchérirait le coût du crédit pour les agents économiques, ce qui déprimerait l’investissement, ralentirait la reprise économique et aggraverait le chômage. C’est bien la crainte de cette spirale économique liée à la hausse accélérée de la dette publique (77.7% du PIB en moyenne dans la zone euro) qui justifie la réduction des dépenses publiques ; et notre économie n’y échappe pas.
En période de crise on assiste à une dégradation des comptes publics liée à la fois à des dépenses publiques en augmentation et à des recettes fiscales en diminution. Le déficit public en France est passé de 3.4% du PIB en 2008 à 8% du PIB en 2009, année où la dette publique a atteint un record de 78% du PIB.
Dans ce contexte, l’assainissement des finances publiques s’impose inévitablement à moyen terme, mais n’est pas sans risque pour notre économie et, par extension, celle de l’Europe.
Car la réduction des dépenses publiques risque de freiner la reprise, à défaut d’un soutien durable de l’investissement et de la consommation encore trop fragiles. La rigueur, parce qu’elle limite la portée de l’effet multiplicateur des dépenses publiques pourrait casser l’élan de la croissance et provoquer une crise sociale. Est-ce alors si urgent de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB d’ici 2012/2013 ?
Mais ces dépenses qui représentent plus de la moitié des richesses créées en France et qui ont pourtant permis d’éviter le pire, sont aujourd’hui jugées trop coûteuses en impôts et en déficits sociaux ; les diminuer relève avant tout du choix politique.
Le décideur public peut alors être tenté de prendre le prétexte de l’assainissement des finances publiques pour justifier la réforme de la protection sociale et la suppression de postes de fonctionnaires. Le coût de l’emploi public et la protection sociale se fait plus pesant en période de faible croissance économique, les revenus fiscaux étant amoindris. Réduire les dépenses, sans modifier le niveau de l’impôt permet alors de réduire la dette et de rassurer les investisseurs.
Or moins de dépenses publiques c’est aussi moins d’Etat et par conséquent moins de professeurs, d’infirmières, de magistrats, de policiers et gendarmes, etc.
Sommes-nous prêts à supporter la charge individuelle de ces missions ?
La rigueur incite chaque agent économique à épargner pour sa retraite ou sa santé afin de pallier les insuffisances prévisibles des mécanismes collectifs. Elle renforce l’idée que l’intérêt individuel prime sur l’intérêt général, et que seules les dépenses du secteur privé sont considérées comme des investissements créant des richesses. Ainsi, prisonnier de ce mode de pensée l’agent économique est tenté de considérer les dépenses sociales publiques (éducation, santé, sécurité) comme une charge improductive qu’il faut réduire.
Cette vision biaisée forge progressivement ce sentiment dans le comportement des acteurs économiques européens, renforce leur individualisme et fragilise l’Union européenne. Les difficultés financières de la Grèce et d’autres pays européens fortement endettés sont la preuve de l’impossible coordination face à des spéculations excessives. Une politique de rigueur commune comme seule réponse aux tensions du marché financier pourrait être fatale à la monnaie unique alors que la gravité de la crise offre à l’Europe l’opportunité unique de construire enfin l’Europe sociale et politique. En un mot, la rigueur indispose et l’union s’impose !
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