21 déc. 2008

La Crise en trois Actes...


Acte I Les causes - Acte II Les conséquences - Actes III Les solutions possibles

La crise financière que nous vivons actuellement est la crise la plus grave d’après
guerre. Les gouvernements sont inquiets et nous parlent de « crise des liquidités », et de récession voire même de risques de déflation.
Des milliards ont été débloqués et injectés dans l’économie pour sauver les banques de la faillite 360 Mds d’€ pour l’Europe, et 800Mds de $ pour les USA. Mais aujourd’hui c’est l’économie réelle qui à son tour est secouée par le séisme financier : crise dans les secteurs automobiles, BTP/IMMOBILIER, chômage en forte hausse…..crédit rare…
Les états réagissent, ils redeviennent tous interventionnistes à travers les différents plans de relance qu’ils mettent en œuvre.
Deux ans suffiront-ils pour sortir notre économie de ce cycle dépressif qui est parti de la finance ?
Mais quelles ont été les causes de cette crise ? Quels en sont les effets sur notre économie et comment s’en sortir, sont là des questions que nous nous posons tous. C’est à partir ces trois interrogations que nous vous présenterons la « crise en trois actes ».
















Dans notre imaginaire collectif le concept de « crise financière » est souvent flou. Si le citoyen pense intuitivement pouvoir en saisir les principaux traits, l’expérience montre que son approche des crises économiques reste souvent scolaire (crise de 1929) ou expérimentale (chocs pétroliers). De fait, parler de crise de liquidités, d’agences de cotations ou encore de titrisation, sont autant de termes abscons qui désorientent le citoyen pour qui une crise incomprise, n’en devient que plus terrible.

Les causes de la crise financière peuvent pourtant s’appréhender de façon simple. La recherche des causes structurelles de la crise mène à cette idée selon laquelle le système financier international portait en lui, les germes de son propre effondrement (I). La gestion du niveau du crédit par la banque centrale américaine permet de comprendre le basculement conjoncturel d’un état de dynamisme économique, à une situation faillite des marchés financiers (II).


1. Un marché financier porteur des germes de sa propre crise :

1.1 Sous-évaluation et transferts des risques ou comment ouvrir les vannes du crédit…


Les marchés financiers ne fonctionnent pas selon les règles des marchés classiques.

Sur un marché classique, la régulation se fait par les prix, selon la loi de l’offre et de la demande. Si les prix montent, les acheteurs se font plus rares, et cette raréfaction des acheteurs incite les offreurs à baisser leurs prix afin de reconquérir leurs clients initiaux. L’ajustement du marché classique des biens et des services se fait donc par le prix, qui y joue le rôle de régulateur.




Sur les marchés financiers, l’agent économique n’achète pas, il place ; ainsi, lorsque le prix d’un titre boursier augmente, sa demande augmente. Plus le prix d’un actif financier augmente, plus il attire d’acquéreurs ; et plus il attire d’acquéreurs, plus sa valeur sera tirée à la hausse. Le marché financier ne s’autorégule pas, sa croissance est théoriquement infinie, toutes choses égales par ailleurs, et si aucune crise ne survient.




En outre, contrairement à un marché classique, un prix trop élevé ne décourage pas le recours au crédit, mais l’encourage. Plus les prix d’un actif financier augmentent, plus l’investisseur a intérêt à recourir à l’emprunt pour se le procurer, et plus il emprunte, plus le prix des actifs financiers augmente.
Dans cette logique, les prix ne peuvent pas réguler le marché. Pire, ils sont partie prenante à ce cercle vicieux où la hausse des prix appelle l’augmentation des crédits, et où l’augmentation des crédits appelle la hausse des prix.

C’est donc le crédit qui est à l’origine de la crise financière actuelle, dans la mesure où l’octroi de crédit permet l’emballement du système financier.

Dans une phase de croissance économique, les banques ont tout intérêt à prêter massivement. Plus une banque prête, plus elle fait travailler son capital, et plus elle accroît sa rentabilité sur fonds propres. Dans un système où les actionnaires des banques cherchent à maximiser leurs dividendes, les banques sont donc tenues de prêter autant que possible, même si cela implique qu’elles s’endettent elles-mêmes. Prêter massivement implique alors de réduire d’autant le capital en réserve pour garantir les crédits accordés. Aussi existe-t-il une ligne rouge, à savoir un stock de capital minimal immobilisé et en dessous duquel la banque ne peut accorder davantage de prêts.

Or, la gravité de la crise actuelle tient à ce que cette ligne rouge a été très largement franchie. Les banques ont prêté bien au-delà de ce qu’elles pouvaient garantir, afin de rentabiliser au maximum leur capital. En réalité, si le niveau de crédit a pu atteindre de tels sommets, au point de provoquer par la suite une terrible crise de liquidités, c’est grâce au développement de l’ingénierie financière qui a mis en place un système permettant à la fois de diluer et de transférer les risques liés au crédit. Ce système repose sur trois piliers.


Le premier pilier consiste à garantir la dette des acquéreurs d’actifs sur la valeur de marché, des actifs en question. En d’autres termes, la valeur du titre financier fait office d’assurance pour le banquier. Si le titre est stable et si sa valeur augmente de façon régulière, le banquier considère alors que c’est là une garantie solide. Dans cette logique, la dette et le risque de celui qui souscrit au crédit paraissent très faibles, puisque la valeur de ses actifs croît bien plus rapidement que le taux d’intérêt de son crédit. Attendu que le banquier prend pour indicateur les valeurs du marché, il est conduit à minimiser un risque pourtant bien réel !

Le second pilier de ce système, plus complexe, fait appel au mécanisme de l’assurance. Les banques s’achètent et se vendent entre elles, les risques liés aux crédits qu’elles détiennent à l’actif. Une banque A achète ainsi à une banque B une protection contre le risque d’un ou de plusieurs crédits inscrits à son bilan, moyennant des primes de montant variable, versées périodiquement. Le vendeur de protection augmente ses avoirs, et par là même sa capacité à prêter, sans que cela ne lui coûte rien, si, bien entendu, aucun accident de crédit n’a lieu. C’est donc là un mécanisme assurantiel dans sa forme la plus classique ; pour l’assureur, les primes reçues sont purs bénéfices, si aucun accident ne survient.

Le problème d’un tel système tient cependant, à ce que l’acheteur de risque n’est pas tenu de mettre en réserve un stock de capital destiné à garantir le prêt qu’il est supposé couvrir. Or, si un des emprunteurs de notre banque A venait à faire défaut, ce serait pourtant la banque B qui devrait acquitter en capital la valeur de son prêt… S’il s’agit d’un ou deux mauvais payeurs ça n’est pas très grave, la banque B trouve des liquidités ; s’il s’agit en revanche de milliers de mauvais payeurs, la banque B est ruinée, et elle entraine dans sa ruine, la banque A.

Pour la banque A, acheter une protection lui permet de se débarrasser du risque inhérent à son crédit, donc de réduire ses immobilisations de capital, et elle peut ainsi débloquer de nouveaux fonds, pour accorder de nouveaux crédits, crédits pour lesquels elle souscrira à une nouvelle protection et ainsi de suite. Pour la banque B, assurer un crédit d’une autre banque s’avère très risqué ; mais si elle parie à court terme sur une forte croissance, et des crédits, et des prix des actifs financiers, elle a tout intérêt à prendre ce risque.

Ce phénomène du transfert de risque a donc conduit à une véritable explosion du crédit et à une envolée du prix des actifs. Plus grave, il a aussi conduit à une diminution de la couverture en capital des banques


Le troisième pilier de ce système financier est celui du nouveau mode d’évaluation des risques liés au crédit. Jusqu’aux années 1990, pour accorder un crédit la banque regardait avec soin le dossier du candidat, ses revenus, ses autres crédits en cours, etc. Désormais, le banquier prend sa décision à partir de modèles mathématiques de risques de crédits qui, certes prennent toujours en compte les revenus de celui qui souscrit au crédit, mais qui y intègrent aussi pléthore d’autres paramètres, parmi lesquels la valeur des actifs financiers. Or, vu que les actifs financiers sont à la hausse, les banques ont tendance à sous-évaluer le risque, et à minimiser le stock de capital qu’elles vont conserver au passif pour couvrir le crédit en question. Les banques sont donc incitées à réduire leur montant de capital et à accroître leur volume de crédit.

Ce nouveau système qui régit les banques d’affaires est donc particulièrement dangereux dans la mesure où celui qui accorde le crédit n’en supporte plus le risque. En outre, celui qui accorde le crédit, n’a aucune raison d’évaluer correctement le risque, car non seulement cela coûte cher, mais en outre il sait qu’il va le transférer ! Ce système repose donc sur une logique où le volume de crédit prime sur la qualité des prêts.

Ce même système a été appliqué de façon massive au marché de l’immobilier américain…

1.2 La question des subprime

Le subprime désigne un crédit hypothécaire accordé à un emprunteur jugé à risque et gagé sur la valeur de son bien immobilier.

Les banques d’affaires américaines ont massivement racheté des crédits immobiliers pariant sur une augmentation constante du marché immobilier. Ces prêts sont ensuite regroupés en pools, c'est-à-dire en lots, de 1000 ou 2000 crédits et convertis en actif financiers. Regrouper des crédits entre eux était censé permettre, en vertu de la loi des grands nombres, d’obtenir des titres au rendement globalement moins variable que des crédits pris individuellement. C’est ce que l’on appelle la titrisation. Ces titres sont ensuite proposés comme placements à des investisseurs.

Le système des subprime était en fait une mécanique bien huilée.

En bas de la chaîne, se trouvaient les courtiers qui démarchaient les citoyens américains pour leur proposer des crédits hypothécaires. Le citoyen américain issu des classes populaires, désireux d’accéder à la propriété, souvent peu au fait des subtilités du crédit immobilier, était ainsi confronté jour et nuit à des représentants de commerce qui lui envoyaient des publicités dans sa boite aux lettres, le démarchaient par téléphone et allaient même jusqu’à frapper à sa porte le dimanche pour lui proposer des crédits immobiliers à des taux extrêmement attractifs. S’il souscrivait, son crédit lui était accordé dans l’heure, et il emménageait dans les trois jours ! Face à cela, il lui fallait faire preuve d’une force morale toute particulière, pour ne pas céder.

Les crédits ainsi contractés étaient ensuite revendus aux banques d’affaires moyennant commissions. Ces banques, regroupaient les crédits hypothécaires en pools, et les revendaient sous forme de titres financiers sur les marchés, en prenant une commission. Tout en haut de la chaîne se trouvaient les investisseurs, attirés par des titres au rendement substantiel, sans d’ailleurs jamais se demander pourquoi ces titres qui présentaient le même risque que des obligations, offraient un rendement pourtant supérieur… La titrisation permettait donc aux banques de transférer la créance à un investisseur et d’accorder ainsi de nouveaux crédits…


Un tel système avait donc des allures d’usine à gaz, car tout reposait sur une hausse continue, et du niveau des crédits, et des valeurs des titres ; la hausse du niveau des crédits entrainant la hausse des valeurs des titres et inversement.

2. Le basculement dans la crise

2.1 Les années 2000-2004 ou la politique expansionniste de la Fed


Au lendemain de la crise asiatique de 1997, les Etats-Unis ont connu une crise boursière d’ampleur moyenne qui a eu pour conséquence de mettre en difficulté les entreprises qui avaient fortement investi, au cours des années 1990, dans les Technologies de l’Information et de la Communication (cf. bulle Internet). La Banque Centrale américaine s’était alors engagée dans une politique délibérément expansive pour désendetter ces entreprises. Alan Greenspan a donc maintenu les taux d’intérêt à un niveau historiquement bas, aux environs de 1%.

Le taux d’intérêt étant particulièrement bas, le recours au crédit était facilité et il s’est donc fortement accru, entrainant dans son sillage les actifs financiers. Cette explosion du crédit a ainsi permis une expansion massive du marché de l’immobilier. Dans un système où la valeur des actifs dépend massivement du nombre de crédits accordés et inversement, et où le risque est dilué, les banques ont naturellement accordé des prêts immobiliers de plus en plus risqués ; au pire pensaient-elles la valeur du bien immobilier couvrirait le défaut de paiement de l’emprunteur.

L’expansion du crédit a ainsi permis une hausse spectaculaire du marché de l’immobilier aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, où les prix ont augmenté de plus de 60% depuis 1998.

Un tel système fonctionnait parfaitement jusqu’à ce que, à partir de mai 2004, la Fed remonte lentement ses taux directeurs.

2.2 La remontée des taux directeurs comme élément déclencheur de la crise

Le basculement ne s’est pas fait en une journée, et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, les taux directeurs sont remontés progressivement, en raison des risques inflationnistes qui pesaient sur l’économie américaine. D’autre part, les pays asiatiques, mais aussi la Chine et les Etats du golfe, ont continué à placer leurs excédents commerciaux aux Etats-Unis. Les marchés américains ne craignaient donc pas la crise de liquidités et le flux du crédit était toujours approvisionné. L’expansion du crédit a ainsi continué pour un temps.

A partir de 2006, la poursuite d’une politique de hausse des taux d’intérêt révèle les premières failles du système. Les crédits subprime étant accordés à taux variables, cela impliquait de renégocier le taux du contractant au bout de trois ans. Les premiers défauts de paiement se font donc sentir et réduisent d’autant les stocks de liquidités des banques. De plus, les taux d’intérêts étant plus élevés, le crédit se renchérit et cesse progressivement d’augmenter. La baisse du niveau des crédits a alors entrainé une baisse progressive de la valeur des titres financiers et ainsi de suite. Face à ces premiers signes avant-coureurs de 2006, le système s’est engagé dans une logique de fuite en avant comme un malade qui nierait sa propre maladie. La titrisation s’est poursuivie et les agences de notations continuaient à noter les titres adossés aux subprime comme des titres sûrs pour attirer de nouveaux investisseurs et ce jusqu’au printemps 2007, où il était devenu impossible de nier l’évidence.


Les agences de notation ont alors déclassé les titres, les investisseurs ont cessé d’acheter, les prix des titres financiers ont chuté et tous les acteurs du système ont réalisé à ce moment là qu’ils s’étaient surexposés. Les liquidités viennent à manquer, les premières faillites apparaissent et les banques de second rang s’effondrent une à une comme des dominos.

Les banques plus solides, quant à elles, ont dans un premier temps affiché des pertes record (dernier trimestre 2007 et premier et second trimestre 2008) avant qu’en septembre 2008 elles ne fassent savoir qu’elles n’avaient plus assez de capital pour faire face à tous les défauts de crédit. Le 15 septembre 2008, le « lâchage » et la faillite de Lehman Brothers ont donné le coup d’envoi à la crise financière mondiale que nous connaissons aujourd’hui…


ACTE II....



































































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