17 févr. 2008

plus d'emplois précaires pour moins de chômage



La rupture sociale :
Plus d’emplois précaires pour moins de chômage » ?

L’emploi, c’est avant tout une source de revenu. C’est le moyen d’obtenir un revenu régulier, de construire son existence sociale et pouvoir réaliser ses projets. Ainsi sans travail on ne peut pas vivre ! Il faut donc travailler pour produire les richesses destinées à satisfaire nos besoins. Par son travail, chaque acteur économique contribue à la création de la richesse intérieure et bénéficie en contrepartie d’un salaire. Le travail est indispensable pour assurer une croissance économique capable de créer des emplois pour tous. Il est devenu d’autant plus désirable qu’il manque à plus de deux millions de personnes d’après certaines sources, voire à quatre millions pour d’autres. Pourtant, la richesse continue de croître. Elle peine désormais à trouver un mode de répartition du travail et des richesses qui assure à chacun d’entre nous un avenir professionnel et un pouvoir d’achat progressif. Les gouvernements successifs, ont bien cherché à lutter contre le chômage et à aider les exclus du monde du travail. Certes les résultats sont aujourd’hui, encourageants car le taux de chômage en France (moins de 8% de la population active en 2008), semble poursuivre sa décrue malgré des taux de croissance du PIB encore éphémères.
Mais, la précarité des nouveaux emplois pourrait assombrir cette tendance. En effet, au nom de la flexibilité imposée par la mondialisation de l’économie, la France s’est engagée dans la voie des emplois précaires avec l’éclosion des contrats de travail à durée déterminée, de travail temporaire, partiels, aidés, et depuis peu, dans celle des contrats nouvelles embauches …

Mais peut-on sortir de ce dilemme : moins de chômeurs contre davantage d’emplois précaires, ou davantage de chômeurs pour des emplois durables ? En d’autres termes faut-il accepter moins de protection sociale pour plus d’emploi ? Serions-nous prêts à soutenir cette rupture sociale ?

Accepter la précarité pour renouer avec le plein emploi n’est qu’une voie sans issue en économie. Le salarié occupant un emploi précaire (c'est-à-dire peu rémunéré, de courte durée et sans promotion) se trouve enfermé dans cette fragilité sociale qui l’oblige à gérer l’incertitude, à renoncer à des projets ; il ne peut par exemple contracter certains crédits ou se loger décemment, à défaut de garanties sociales suffisantes. Tous les ressorts d’une vie active commencent alors à se gripper et, finissent petit à petit par ralentir l’activité économique. Ce type d’emploi peut entraîner une croissance molle qui ne profite qu’à certains acteurs économiques. Cette insécurité finit par être, à long terme, contre-productive. La course effrénée des entreprises aux gains de productivité en réduisant le coût du travail trouve là ses limites. La compétitivité prix imposée à court terme, par les investisseurs financiers, néglige la compétitivité qualité.
Cette dernière n’est pourtant pas incompatible avec une économie mondialisée, peu s’en faut ! Mais elle exige des emplois durables dans lesquels les compétences professionnelles peuvent se développer et profiter à l’entreprise grâce à l’effet d’expérience. Le travail n’est pas seulement un coût, mais une ressource, un capital humain qu’il faut valoriser. Or l’efficacité économique qui s’appuie sur la paupérisation des travailleurs demeure fragile et ne peut garantir un volume d’emploi suffisant. Car la précarité finit par repousser à long terme les qualifications et les motivations des actifs et de fait, freine la compétitivité et retarde le plein emploi. Le recours massif à cette forme de flexibilité du travail affaiblit le pouvoir d’achat des acteurs économiques, et désactive progressivement le moteur de la consommation. Alors faute de demande globale suffisante, les entreprises compriment davantage leur coût de travail pour trouver des débouchés supplémentaires, hésitent à investir, ce qui réduit la croissance et aggrave le chômage. L’appauvrissement du travail pour enrichir le capital trouve là ses limites.
En outre, la précarité des emplois ouvre la voie à l’exclusion sociale, à la paupérisation des actifs, chemin où la citoyenneté reste trop souvent oubliée. Ces emplois sans lendemain fragilisent toute une partie de la population active car la trappe entre précarité et pauvreté reste toujours entrouverte. Les personnes enfermées dans ce statut vivent une déqualification sociale et professionnelle qui empêche toute véritable reconnaissance et implication sociales. Les jeunes actifs soumis à cette succession d’emplois rencontrent de graves difficultés d’insertion durable dans le monde du travail. Ils caractérisent les travailleurs pauvres du monde salarial. En effet les petits boulots ne distribuent qu’un petit pouvoir d’achat. Faut-il connaître ou avoir connu la précarité pour mieux la comprendre ? Comment peut-on être si indifférent, si égoïste, devant un tel risque social ?
Cette précarité est une fausse amie du plein emploi bien qu’elle permette d’atténuer provisoirement la douleur du chômage. Elle réduit petit à petit les emplois durables au profit de la flexibilité du travail qui accroît l’insécurité sociale et mine l’activité économique à long terme.
Elle accrédite ainsi l’idée que c’est la protection sociale des salariés qui est à l’origine des réticences des employeurs à embaucher. Or, c’est d’abord le niveau de l’activité économique qui détermine et garantit le volume de l’emploi. Le développement des emplois précaires constitue une réponse trompeuse au problème du chômage dans la mesure où il dynamise le marché du travail en contrepartie d’une extension de la pauvreté. Pour réduire le chômage d’aujourd’hui, on réduit l’emploi durable de demain au profit de l’emploi précaire d’après demain. Cette rupture sociale fait diminuer les statistiques du chômage mais en aucun cas ne le fait disparaître.
L’expérience enseigne que la baisse du coût du travail ne réduit pas durablement le chômage, car elle se heurte à la contrainte de la perte du pouvoir d’achat.

La précarité du travail sera l’enjeu social de 2008. Alors ne faudrait-il pas avoir le courage de transformer socialement et juridiquement ces emplois pour rétablir la confiance en l’avenir, et donc accroître le pouvoir d’achat tant espéré par tous les salariés, afin de tracer les voies d’une nouvelle croissance économique et sociale ?
Ne serait-ce pas là, la véritable rupture sociale pour les actifs de demain ?

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