26 mai 2013

Chômage : une variable d'ajustement inavouée !



Le chômage : une variable d'ajustement inavouée !

Notre économie, pourrait connaître de nouveau la récession en 2013. La dégradation du marché du travail, inquiétante par son ampleur, risque de s’accélérer durant toute l’année 2013. Le nombre de chômeurs de catégorie A pourrait dépasser le seuil des quatre millions. Voilà le signe que le chômage reste toujours le point noir de notre économie. Cela fait maintenant plus de quarante ans qu’il dure et aujourd’hui il menace des pans entiers de la population active. Tous les salariés ne sont pas frappés de la même façon : les jeunes, les moins qualifiés, les femmes et certains « séniors » sont de loin les plus exposés.
Le chômage en France  a connu quelques timides baisses entre 2000-2002 et 2006-2007, mais en fin d’année 2013 il pourrait bien dépasser la barre des 10.5% de la population active. En Europe, il a franchi les 10% de la population active et s’élève à 20% dans certains États européens. En l’espace d’un an le nombre de chômeurs a ainsi considérablement augmenté. La dégradation est d’autant plus inquiétante que les effets des plans d’austérité sur la croissance sont particulièrement négatifs.
Alors pourquoi une telle impuissance à faire reculer cette maladie économique et sociale ? Serait-elle devenue incurable, comme sembleraient l’indiquer les chiffres depuis plusieurs années ? Le chômage est en train de se banaliser et devient désormais un mal économique auquel il faudra s’habituer et qu’il faudra supporter même en période de croissance. Aujourd’hui, à défaut de traitements économiques  coordonnés et efficaces au niveau européen, les pouvoirs publics ne prescrivent plus qu’un traitement social pour l’atténuer, qui malheureusement trouve rapidement ses limites devant la gravité de la maladie. En réalité, ce mal qui n’épargne aucun salarié, qui entretient toujours la crainte de l’exclusion sociale et du désespoir, n’est toujours pas devenu une réelle priorité des politiques européennes. Pourquoi ? Ferait-il moins de dégâts sur notre économie que la crise financière ? Ou ferait-il plus de bien que de mal à certains acteurs  de la vie économique ?
Nous voilà au cœur du débat. Un niveau élevé de chômage  fragilise le monde du travail et le pouvoir syndical. Un chômage quasi-permanent déséquilibre les rapports sociaux entre l’entreprise et les syndicats. Il décourage toute revendication salariale par crainte de menacer l’emploi. Certaines entreprises tirent profit de cette situation, car toute modération salariale représente pour elles, des gains de compétitivité supplémentaires pour affronter la concurrence internationale. De fait, le chômage permet de maintenir un partage de la valeur ajoutée qui leur est plus favorable qu’aux salariés, leur permettant d’accroître ainsi leurs profits. Qui s’en plaindrait, si davantage de profits créaient davantage d’emplois ? Or, ces profits d’aujourd’hui, à défaut de consommation supplémentaire ne font pas les investissements de demain ni les emplois d’après demain. Bien au contraire, ils se détournent trop souvent de l’économie réelle pour alimenter les placements financiers.

Le chômage entretiendrait donc le chômage en freinant la progression du pouvoir d’achat. Alors y a-t-il  vraiment urgence à mettre fin à une spirale qui favorise à court terme la segmentation du marché du travail en nourrissant la dualité entre les contrats précaires et les contrats à durée indéterminée ?
Cette division fait le jeu des entreprises car elle met les salariés en concurrence déloyale et leur fait supporter un sentiment d’injustice qui les oblige à accepter la précarité pour renouer avec le plein emploi. Ainsi, au nom d’une certaine éthique sociale et d’une efficacité économique, l’unification des contrats de travail devient nécessaire. Cette unification passe par la fusion de leurs durées, par plus de flexibilité et par moins de protection afin de maintenir des emplois ou d’en créer dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Faudrait-il alors accepter moins de protection sociale pour plus d’emploi ?
Dans cette situation sociale convalescente, aggravée par la rigueur, le chômage sert d’alibi pour justifier les réductions de salaire et les déréglementations sociales afin de doper la compétitivité. Le chômage est bien le signe que le travail est toujours considéré par les entreprises comme une charge et non comme une ressource humaine. Or, tant que les entreprises n’auront  que cette approche comptable du travail, rien ne changera. Tant qu’elles n’auront pas intégré le travail comme une ressource et non uniquement comme un coût dans leur culture ou modèle de management, il sera toujours plus difficile pour les gouvernements de réduire véritablement le chômage. Toutes les mesures financières et fiscales incitatives à la création d’emplois prises en faveur des firmes n’ont jamais permis d’accroître durablement et globalement les offres d’emplois. Elles ont le plus souvent débouché sur une création marginale d’emplois.
Le chômage deviendrait-il désormais une variable sociale inavouée d’ajustement utile pour restaurer la compétitivité ?  En tout état de cause, cela expliquerait la faible mobilisation générale pour l’éradiquer définitivement !

1 mai 2013

AVOIR OU ETRE ?

 

Avoir ou être ?




La crise actuelle n’est pas seulement financière, économique et sociale, elle est aussi systémique. Si la finance en a été le détonateur, notre modèle économique régulé par la cupidité, a quant à lui répandu la poudrière. La course effrénée aux profits spéculatifs conjuguée à une dette excessive, nous ont fait croire à un bonheur économique garanti par l’augmentation du P.I.B. Or cette croissance qui détermine le niveau de l’emploi, conditionnant ainsi notre niveau de vie et de protection sociale, est en berne aujourd’hui. Aussi son retour est-il tant espéré en cette période d’austérité. Elle permet à chaque acteur économique d’avoir davantage et donc de pouvoir satisfaire ses besoins selon l’adage : « c’est en ayant plus que l’on vit mieux ».
La crise actuelle est la conséquence de cette croyance aveugle à laquelle nous adhérons tous. Or, nous voilà plongés dans la crise la plus grave d’après guerre, où « l’avoir plus » est devenu une illusion. Et pourtant, malgré la gravité de la récession, l’idée d’avoir plus influence et guide toujours nos comportements égoïstes. La crise sonnera-t-elle le glas de l’accumulation de richesses devenue désormais la finalité de l’économie ? Sera-t-elle à l’origine d’un changement de nos comportements et d’une meilleure répartition des richesses indispensable au retour de la prospérité ?
Il existe deux façons de faire progresser la croissance.
La première consiste à produire plus avec la même quantité de travail au moindre coût au risque de mettre en péril le climat, d’épuiser les ressources naturelles, et de fragiliser davantage le travail. La seconde consiste à produire et à consommer autrement en préservant l’environnement naturel, en développant les services, la recherche et le développement ainsi que la qualité du travail. Créer des emplois, des richesses durables, répartir les revenus de manière plus équitable, et consommer moins mais mieux, sans croissance des quantités produites, mais par la croissance de la qualité est une solution rendue possible par le progrès technique. Produire des produits biologiques, des voitures propres, des biens durables et recyclables nécessite plus de travail, crée de nouveaux emplois et dégage davantage de pouvoir d’achat grâce à une répartition plus équitable des richesses. Alors pourquoi ne pas explorer cette voie et s’y engager ? La performance de l’économie n’est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative. Cet aspect de la croissance semble échapper à la logique comptable, malgré la richesse qu’il représente. Le bien-être ne se mesurerait-il pas ?
Sortir définitivement de la crise et préparer l’avenir des générations futures, implique de passer d’une économie fondée sur « l’avoir plus » à une économie fondée sur « l’être mieux ». Autrement dit, passer d’un modèle productiviste dominé par le court terme à un modèle du bien être, dans lequel l’activité économique serait basée sur la qualité des biens et sur les ressources humaines plutôt que sur la compétitivité prix. Loin de s’en désoler, ne faudrait-il pas s’en féliciter ? La finance a longtemps privilégié le premier modèle et activé les rouages d’une croissance des quantités plutôt que ceux d’une croissance de la qualité. Elle a figé pendant des décennies l’économie réelle sur le temps présent pour accroître la rentabilité financière au détriment de l’investissement. Mais cette logique financière en négligeant ainsi la rentabilité économique, la valeur ajoutée de la qualité et celle du bien être, a conduit son propre modèle économique dans un cycle dépressif. Et, en différant les investissements, elle a retardé la recherche et l’innovation capables d’amorcer cette mutation dans laquelle le paradigme « c’est en étant mieux que l’on vit mieux » trouve tout son sens. Or, aujourd’hui, dans ce contexte de crise, cette activité économique durable est plus que jamais reléguée au dernier rang des préoccupations des institutions et des acteurs économiques.
Mais au-delà des soins prodigués dans l’urgence par les multiples plans d’austérité pour faire redémarrer les moteurs de la croissance en stimulant seulement la compétitivité, il faudra en revenir à ce vieil adage « aux grands maux les grands remèdes », et comprendre qu’une crise de grande ampleur implique une vision de grande ampleur, à défaut de laquelle, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Il faut profiter de la crise pour en finir avec le culte de la croissance quantitative et s’orienter vers une croissance qualitative source de bien-être grâce aux nouvelles technologies. C’est une autre vision du progrès, qu’il faut désormais mettre au service de l’économie durable où « l’être » prime sur « l’avoir ». Cette orientation nécessite de nouvelles règles de fonctionnement de notre économie. Elle suppose une révolution radicale de nos de modes de production et de consommation. Cela implique des changements substantiels dans notre manière de travailler, de répartir la valeur ajoutée et de la mesurer.  C’est là que la volonté politique guidée par ses valeurs citoyennes, devrait tracer et imposer les voies de cette nouvelle forme de croissance économique au service de l’homme et de l’environnement.
Les Pouvoirs Publics sont les seuls à avoir la légitimité d’agir sur les trois rouages de l’activité économique (Production-Répartition-Consommation) pour provoquer l’accélération de ce changement structurel. L’idée qu’en vivant autrement on peut vivre mieux pourrait ainsi se concrétiser dans les actes de la vie quotidienne. L’économie n’est pas une machine qui n’obéit qu’à des règles mécaniques soumises au marché. Construire cette nouvelle économie exige un projet capable de restaurer la confiance en l’avenir en fédérant les États à un niveau supranational. Cette ambition fait aujourd’hui défaut en Europe, et pourtant la gravité de la crise offre aux États européens l’opportunité de construire ce nouveau modèle.
Face à ce qu’il faut bien appeler une révolution civilisationnelle, préfèrerons-nous encore « l’avoir plus » à « l’être mieux » ? Là est la question.