17 févr. 2008

la baisse de l'impôt du "bien qui fait du mal"






La baisse de l’impôt :
« du bien qui fait du mal »


L’impôt n’est pas ce qu’il est, mais ce que l’Etat en fait. Mais, le réduire, qui s’en plaindrait ? La fiscalité est toujours jugée excessive et injuste par les individus. Justifiée en théorie par des raisons économiques, car les prélèvements obligatoires freinent l’activité économique, la baisse de l’impôt : un des enjeux essentiels de la campagne électorale de 2007, répond davantage à des motifs politiques dans la pratique. En effet, les baisses successives n’ont pas permis d’accroître la consommation des ménages, ainsi que les investissements des entreprises pour stimuler la croissance économique. Bien au contraire, elles ont encouragé l’épargne des ménages les plus aisés, et donc n’ont pas eu l’effet de relance de l’activité économique par la demande nécessaire pour réduire le chômage. Et en aucun cas, elles ont permis de créer des emplois. Car ce qui incite les entreprises à embaucher c’est une demande soutenue. Or on a beau multiplier les baisses d’impôts, si leurs carnets de commandes sont vides, les firmes n’embaucheront pas !
C’est très drôle que la baisse de l’impôt soit si populaire, car en France, il n’y a environ que la moitié de la population qui paye des impôts sur les revenus. L’autre moitié n’a pas un revenu suffisant pour être imposable. Vu que les baisses d’impôts proposées sont toujours d’un petit pourcentage, elles n’ont en réalité un poids significatif que lorsque de très gros revenus sont en jeu. Pour le Français moyen, les économies réalisées sont minimes contrairement aux grandes fortunes. Ainsi la baisse de l’impôt profite d’abord aux plus riches soit à une minorité de citoyens.
La poursuite de cette diminution conforte l’idée que l’intérêt individuel prime sur l’intérêt général et que seul le secteur privé crée des richesses. Par conséquent, les impôts qui financent l’action publique représentent une charge improductive qu’il faut faire disparaître ou qu’il faut réduire. Cette orientation libérale, qui semble trouver écho dans les médias à travers les sondages et dans certains discours politiques, forge progressivement un sentiment antifiscal dans les comportements des acteurs économiques en renforçant leur individualisme. Elle aggrave la dissolution du sentiment collectif, en encourageant l’affirmation d’un égoïsme de plus en plus dur sous toutes ses formes. Elle fait courir aussi le risque d’une croyance erronée que la richesse créée par le secteur public pour la nation est inférieure au coût qu’il lui fait supporter. Elle cimente ainsi petit à petit l’idée que l’impôt est une nuisance qui décourage l’esprit d’entreprendre et freine la création de richesses. Et pourtant, un tel désengagement fiscal fait plus de mal que de bien. En effet, une telle diminution suppose la réduction des missions d’intérêt public de l’Etat car nos impôts financent le fonctionnement des services indispensables à la vie économique et sociale : santé, éducation, culture, justice, sécurité, transports, routes…L’impôt est le prix à payer pour utiliser ces services collectifs. Alors comment en payant moins d’impôt peut-on avoir plus de sécurité, plus de santé, plus d’égalité et plus d’éducation ?
Le problème qui se pose ainsi est celui du rôle de l’impôt dans notre société aujourd’hui, et à travers lui, celui des services publics. L’Etat doit-il considérer que protéger, juger, soigner, aider et éduquer sont des missions publiques et, à ce titre, qu’il doit les exercer dans le sens de l’intérêt général. Dans cette logique, l’impôt retrouve alors sons sens citoyen au profit de son aspect « confiscatoire » qui est toujours mis en avant. Dès lors s’acquitter de l’impôt, ce n’est pas s’appauvrir pour enrichir l’Etat ou perdre du pouvoir d’achat, mais c’est contribuer solidairement en fonction de son niveau de vie au bien-être économique.
C’est aussi participer au bon fonctionnement des rouages des services publics indispensables à la vie collective, et pouvoir en faire profiter chaque citoyen d’une manière équitable au moindre coût, quelle que soit sa condition sociale. Ainsi cette course à la baisse des impôts fragilise la place et le rôle des services publics dans notre société en ne valorisant que l’intérêt individuel. Et, progressivement, elle pourrait les faire disparaître faute de ressources suffisantes pour gérer au mieux l’intérêt général. C’est la logique marchande qui semble être le seul rouage de l’activité économique, malgré les risques d’inégalités et d’exclusion sociales qu’elle comporte car le marché n’a pas d’éthique.
L’Etat doit-il renoncer à toute hausse ou réforme de l’impôt direct, et donc abandonner une partie de ses services publics aux règles de la concurrence dictées par le marché ? Mais moins d’impôt, c’est moins d’Etat. Les citoyens sont-ils prêts en accepter la charge individuelle?
La dimension citoyenne de l’impôt sur le revenu est en train de se perdre, car les ménages ont le sentiment d’en payer toujours trop pour un retour en contrepartie insuffisant ou peu significatif voire même invisible. Or, si l’on veut corriger cette perception qu’ont aujourd’hui les contribuables et si l’on souhaite maintenir l’esprit républicain, recréer le lien social, redonner du sens à l’intérêt général, ne faudrait-il pas, plutôt que de baisser les impôts, réformer notre système fiscal afin de le rendre plus efficace, plus juste et plus transparent ?
Il faudra donc beaucoup de courage politique pour réhabiliter cette idée simple que l’impôt n’est pas seulement un coût mais le prix à payer pour bénéficier des services collectifs nécessaires à tous les citoyens. Ne serait-ce pas là un choix de société ?
Avec moins d’impôts souhaitons–nous transférer une partie des services collectifs dans les mains d’intérêts privés ? Sommes- nous prêts à en payer le prix fixé par le marché et à ne laisser qu’un monde de compétition à nos enfants et petits-enfants dans lequel la notion d’intérêt général ne sera qu’un vague souvenir ?

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