1 nov. 2011

Des chiffres et des Lettres : le tempo de l'économie





A l’heure où les risques de faillite de la Grèce se précisent chaque jour davantage et où la recapitalisation des banques a été acceptée pour éponger au moins 50% de la dette grecque, la France et ses voisins annoncent, les uns après les autres, des plans de rigueur drastiques. Tous agissent au fond comme si la confiance des marchés financiers en la solvabilité budgétaire des Etats était une sorte d’indicateur suprême, celui sur lequel il convient désormais de fonder toute politique économique. La politique économique des Etats tient en trois lettres : AAA.
Sous la pression de ces trois lettres attribuées par les agences de notation, les marchés financiers imposent aux Etats de monter la rigueur d’un cran supplémentaire, comme si le premier n’était pas déjà suffisamment douloureux.
Ils se sont lancés dans cette course effrénée à l’austérité préférant obtenir un triple A pour réduire leur dette plutôt qu’un triple A pour relancer la croissance et l’emploi.
La perspective d’une dégradation de leur note paralyse les dirigeants européens en mal d’audace économique et qui voient en la surenchère des plans de rigueur leur seul salut économique. Le contentement immédiat des marchés prime sur toute stratégie de croissance à moyen et long terme et la sauvegarde du capital confiance que les agences de notation fondent en tel ou tel Etat membre de la zone euro, les pousse à fermer les yeux sur les risques, non moins réels, d’une seconde récession.
Alors, pourquoi s’engager dans cette voie conduisant à moins de chiffres de croissance et à plus de chômage ?
Sachant leur responsabilité dans la notation des subprimes, pourquoi continuer à s’en remettre aux agences de notation pour juger des performances de l’économie ?

Naturellement, la réduction des déficits budgétaires à moyen terme est indispensable. Les Etats ne peuvent conserver indéfiniment des taux d’endettement élevés au point que la charge de la dette se hisse parmi leurs premiers postes de dépenses budgétaires. Mais la réduction des déficits ne peut être mise en œuvre efficacement que dans un contexte de croissance solide et stable.
L’Europe aveuglée par « les trois lettres » s’est engagée trop tôt dans le pari de l’austérité. Elle fait courir le risque d’étouffer la croissance et d’enliser l’économie dans un chômage de masse à deux chiffres. Elle risque de précipiter son économie dans ce cercle vicieux où la rigueur appelle la rigueur, car la confiance des financiers repose avant tout sur les chiffres réels de la croissance et non sur des lettres fictives faussant très souvent les performances économiques à moyen terme.
La réduction des dépenses publiques reste la solution choisie, malgré la menace qu’elle fait peser sur la progression du PIB. Or, un tel choix ne rassurera pas pour autant les créanciers financiers, qui face aux risques des mauvais chiffres de l’activité économique, pourraient augmenter leurs taux d’intérêt pour pallier le danger du non recouvrement de leurs créances. Les mauvais chiffres pourraient bien vite faire perdre les bonnes lettres.

A l’inverse, ce n’est qu’en pariant sur une politique commune de croissance et de l’emploi, que les pays européens remettront les finances publiques en ordre et rétabliront la confiance financière. Le salut ne peut venir que du retour de la croissance garantissant le remboursement des dettes et certainement pas en prenant le risque d’une austérité généralisée provoquant l’insolvabilité des Etats.
Il faut renouer d’urgence avec les chiffres de la croissance si l’on veut sortir rapidement de la crise des dettes souveraines.
Les bons chiffres feront ainsi gagner de bonnes lettres car ils donnent le « l’A» de notre économie.

17 sept. 2011

Rigueur : la revanche de Friedman ?


A l’heure où les risques de faillite de la Grèce se précisent chaque jour davantage, la France et ses voisins annoncent, les uns après les autres, des plans de rigueur pour le moins drastiques. Tous agissent au fond comme si la confiance des marchés financiers en la solvabilité budgétaire des Etats était une sorte d’indicateur suprême, celui sur lequel il convient désormais de fonder toute politique économique. La perspective d’une dégradation de leur note paralyse des dirigeants européens en mal d’audace économique et qui voient en la surenchère des plans de rigueur leur seule planche de salut économique.


Le contentement immédiat des marchés prime sur toute stratégie de croissance à moyen et long terme et la sauvegarde du capital confiance que les agences de notations fondent en tel ou tel Etat membre de la zone euro, les pousse à fermer les yeux sur les risques, non moins réels, d’une seconde récession.

Dans un contexte où une récession chasse l’autre avant même que la croissance ait pu repartir, les enseignements de la crise de 2008 semblent oubliés. La surenchère des plans d’austérité en a rapidement éclipsé une autre : celle de l’automne 2008 où les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro se rependaient en déclarations de bonne volonté sur les thèmes de la régulation des marchés financiers et de l’encadrement des agences de notations. Tous expliquaient alors que le sauvetage des banques aurait pour contrepartie leur stricte régulation. En France, les revues économiques titraient sur la revanche de Keynes et même dans le monde politique on semblait moins perméable aux arguments des bienfaits de la dérégulation.

Depuis, les traders ont retrouvé leurs bonus, les spéculateurs leur cupidité et les banques leurs profits. Les Etats, quant à eux, se sont terriblement endettés pour sauver une finance à la dérive et une croissance atone.
Et voilà que les rescapés d’hier appellent aujourd’hui à l’austérité budgétaire sans même se soucier de la croissance de demain. Leur vision court-termiste précipite les Etats dans une spirale déflationniste dont aucun agent économique ne sortira indemne.
Par définition, la rigueur affaiblit la consommation, contrarie l’investissement et grippe l’effet multiplicateur des dépenses publiques. Elle casse durablement la croissance et prive les producteurs de débouchés suffisants.
Parallèlement, et alors même qu’elle pénalise durablement les agents économiques, la rigueur affaiblit l’Etat. Le rééquilibrage budgétaire oblige à des coupes dans les dépenses de fonctionnement, conduit à la réduction du nombre d’agents de l’Etat et entraine inéluctablement une baisse de la qualité des services publics.


La rigueur prive l’Etat de ses moyens d’actions. Plus grave, elle le pousse à livrer une partie de ses attributions à la sphère privée.
Enfin, la rigueur n’a qu’un effet limité sur les déficits qu’elle prétend enrayer dès lors que le ralentissement de l’activité économique qu’elle provoque réduit considérablement le volume des rentrées fiscales.
Naturellement, la réduction des déficits budgétaires à moyen terme est indispensable. Les Etats ne peuvent conserver indéfiniment des taux d’endettement élevés au point que la charge de la dette se hisse parmi leurs premiers postes de dépenses budgétaires. Mais la réduction des déficits ne peut être mise en œuvre efficacement que dans un contexte de croissance solide et stable.
L’Europe s’est engagée trop tôt dans le pari de l’austérité. Elle fait courir le risque d’étouffer la croissance et d’enliser l’économie dans un chômage de masse. Elle risque de précipiter son économie dans ce cercle vicieux où la rigueur appelle la rigueur.

A l’inverse, ce n’est qu’en pariant, comme le fait le Président B. Obama, sur une politique commune de croissance et de l’emploi, que les pays européens remettront les finances publiques en ordre et rétabliront la confiance financière. Le salut ne peut venir que du retour de la croissance et certainement pas en prenant le risque d’une austérité généralisée et installée dans le temps.
Mais l’Europe ne semble pourtant pas privilégier le chemin économique emprunté par les Etats-Unis. Plus qu’un choix économique, le choix de l’Europe est un choix politique, fondé sur ce postulat friedmannien que l’assainissement comptable de l’Etat est la condition sine qua non à la reprise de toute croissance durable. A admettre qu’il soit vérifié, ce modèle minore volontairement le coût, tant économique que social, de sa mise en œuvre.
Aujourd’hui l’Europe semble pourtant en suivre aveuglément les préconisations comme si elle voulait, à la manière de Milton Friedman en son temps, anesthésier l’Etat.

29 mai 2011

Pouvoir d'achat en berne : une réalité sans illusion !



A un an de l’échéance de 2012, l’inflation pourrait s’accélérer et le pouvoir d’achat se détériorer.
Aujourd’hui, avec la même quantité de monnaie, les ménages ont le sentiment bien réel de ne plus pouvoir acheter la même quantité de biens et services, en raison de la hausse des prix des produits alimentaires, du prix du carburant, de ceux de l’énergie et de ceux des loyers.
Et pourtant, cette baisse du pouvoir d’achat ressentie par les ménages, n’est pas perçue par les statistiques de l’INSEE qui mesurent une stagnation du pouvoir d’achat en moyenne malgré un taux d’inflation qui pourrait dépasser les 2% en 2011.
L’écart entre l’inflation mesurée et l’inflation perçue repose la question de la mesure de l’indice des prix : les ménages seraient-ils victimes d’une illusion ?

La sensation de vie chère s’est fortement accentuée en 2002 lors du passage à l’euro. Depuis elle s’est amplifiée dans un contexte où de nouveaux modes de consommation, couplés à des besoins toujours plus nombreux, font face à des salaires qui ne progressent que très faiblement ou stagnent le plus souvent.
Les fins de mois difficiles, touchent aujourd’hui la plupart des ménages aux revenus moyens.
Rien d’étonnant, dans ces conditions que les ménages s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat.
Mais dans un tel contexte est-il possible d’augmenter le pouvoir d’achat sans pour autant réduire la compétitivité des entreprises ?

Le pouvoir d’achat dépend de deux variables : celle des prix et celle des revenus.
Dès lors pour distribuer davantage de pouvoir d’achat aux ménages deux types de mesures sont possibles.
Les premiers consistent à accroître le pouvoir d’achat par la baisse des prix, et ce, au moyen d’une pression concurrentielle plus forte entre les unités commerciales, conjuguée à une baisse du taux normal de la TVA.
Une concurrence plus libre, conduit à faire baisser les prix selon la loi du marché, et profite aux consommateurs sous forme de gain de pouvoir d’achat. Cette mesure reste toutefois limitée, car une concurrence accrue incite les entreprises à réduire leurs coûts salariaux et par voie de conséquence à précariser davantage le travail et à modérer la progression des salaires. Le gain de pouvoir d’achat n’est dans ce cas qu’une illusion.
La baisse de la TVA quant à elle, permettrait effectivement de réduire le niveau des prix, et de relancer ainsi la consommation mais, à condition qu’elle soit entièrement répercutée sur les prix des biens et services, mais l’exemple du secteur de la restauration en 2010, tend à prouver l’inefficacité d’une telle mesure.
Le second type de mesure consiste en l’augmentation des salaires dans toutes les branches professionnelles.
A ce titre, la prime accordée aux salariés des entreprises de plus de 50 salariés distribuant des dividendes, reste une mesure ponctuelle, qui, si elle favorise le pouvoir d’achat, ne concerne en revanche, qu’une partie des salariés.

Pour accroître durablement le pouvoir d’achat, il faut en réalité augmenter la part des salaires dans la répartition de la valeur ajoutée.
Dès lors, ne faudrait-il pas conditionner les allègements des charges sociales à une augmentation du niveau des salaires, afin d’inciter les entreprises à modifier le partage de leur valeur ajoutée en faveur des salariés ?
L’Etat pourrait parfaitement encourager ces augmentations salariales et orienter ce partage en faveur des salariés.
Il pourrait réduire les charges sociales proportionnellement aux augmentations des salaires accordées par les entreprises. Et même, il pourrait aller plus loin structurellement, en indexant les hausses de salaires sur celles des résultats des entreprises. Ce qui lui permettrait d’inciter les entreprises à augmenter les salaires sans amoindrir leur compétitivité.
Ces dernières, pourraient ainsi augmenter les salaires sans en supporter le coût. Le niveau de vie des salariés s’améliorerait très nettement, ils seraient ainsi plus motivés, plus productifs dans leur travail, et en feraient profiter l’entreprise et ses parties prenantes.
Stimulée par la baisse des charges sociales ou par l’indexation sur les résultats, cette hausse généralisée des salaires, relancerait l’activité économique par son effet multiplicateur sur la demande des ménages.
L’Etat maintiendrait quant à lui, ses recettes fiscales malgré la baisse de ses prélèvements, du fait d’une consommation et d’une croissance plus fortes.
Ainsi la demande globale serait plus soutenue, créerait un climat de confiance qui favoriserait l’essor de l’investissement nécessaire à la croissance du PIB, et réduirait considérablement le chômage.
C’est là, une mesure à explorer pour garantir durablement une hausse réelle du pouvoir d’achat !

25 févr. 2011

Faut-il craindre le retour de l'inflation ?



Faut-il craindre le retour de l’inflation ?

La flambée du prix du pétrole, des matières premières, dans une conjoncture secouée par la crise, fait valser les étiquettes des produits de consommation courante. Dans ce contexte, l’inflation va resurgir.
Cette poussée de fièvre inflationniste reste encore contenue, mais elle pourrait bien vite s’étendre à l’ensemble des produits. Alors faut-il craindre un retour de l’inflation ? Si oui, quels pourraient en être les risques ?

Il n’y a pas lieu de s’inquiéter tant que la hausse généralisée et durable des prix n’enclenche pas les trois rouages suivants.
La hausse actuelle des prix est plutôt liée au rouage de la demande à l’égard de certains produits. La poussée des prix des matières premières et des produits pétroliers, s'explique par un niveau de demande bien supérieur à l'offre. Entretenu par une spéculation nocive, il provoque, selon les mécanismes du marché un ajustement des prix à la hausse. Ce rouage ne porte, pour le moment que sur le quart de l’ensemble du panier de produits pris en compte par l’INSEE pour calculer l’indice des prix.
Cette fièvre inflationniste reste faible, car les deux autres rouages de l’inflation ne sont pas activés. Celui de la quantité de monnaie en circulation semble être bien contrôlé par la Banque Centrale Européenne grâce à ses taux d’intérêt.
Quant au troisième, celui de la progression des salaires, verrouillé par le pacte de compétitivité entre l’Allemagne et la France, est au point mort. Il est donc peu probable qu’il amplifie, par son mécanisme, la fameuse spirale hausse des salaires - hausse des prix qui provoque l’inflation par les coûts.
Alors pourquoi s’inquiéter d’un retour de l’inflation ?
Il y a pourtant, quelques craintes à avoir. La première raison est que cette petite fièvre se déclenche à un mauvais moment. L’état de santé de notre économie est encore très fébrile : une croissance du PIB qui a du mal à atteindre les 2%, un déficit du commerce extérieur qui s’aggrave de plus en plus, un taux de chômage qui peine à descendre en dessous de la barre des 9%, un pouvoir d’achat toujours en berne et une dette publique qui dépasse les 78% du PIB.
Elle arrive en outre au moment où la crise financière oblige désormais l’Etat à appliquer une politique de rigueur. Ce qui va freiner les investissements et la consommation donc ralentir l’activité économique globale et aggraver considérablement le chômage.

De plus, elle vient aggraver la dégradation du pouvoir d’achat des ménages. En effet, le pouvoir d’achat étant déjà très peu progressif, la moindre hausse des prix, aussi mesurée soit-elle, amplifie encore plus la douleur. Les victimes sont les ménages aux revenus moyens, les fonctionnaires, les retraités dont les pensions sont revalorisées avec du retard, et les salariés d’entreprises exposées à la concurrence étrangère. Les ménages seront donc obligés de réduire leurs dépenses alimentaires pour pouvoir finir leur fin de mois, d’autres puiseront dans leur épargne pour maintenir leur niveau de vie. Dans ce contexte, cette petite fièvre accentue gravement les inégalités sociales, et développe un sentiment réel d’injustice par rapport aux profits records de certains traders et entrepreneurs du CAC40 réalisés en 2010.
Mais le risque majeur, c’est que cette situation pourrait brider le moteur de la consommation qui jusqu’à présent, est le seul à tirer la croissance encore très poussive.
La crainte de l’inflation renforce la vigilance monétaire de la Banque Centrale Européenne afin d’éviter tout dérapage des prix et des anticipations inflationnistes. Sous la pression de l’Allemagne, elle continue de maintenir des taux d’intérêt élevés et un euro fort malgré la rigueur économique.
Ce regain d’inflation empêche toute distribution supplémentaire de pouvoir d’achat de peur de généraliser la hausse des prix et d’activer le troisième rouage de l’inflation. La lutte contre l’inflation pourrait redevenir ainsi la priorité économique au détriment de la croissance et de l’emploi.
Mais devra-t-on accepter encore moins de croissance et plus de chômage, pour faire baisser cette fièvre inflationniste qui grimpe ?