31 janv. 2024

Garantir les prix et la diversité agricoles pour préparer l’agriculture de demain !


 Notre agriculture est de moins en moins compétitive sur les marchés européens et mondiaux. L’agriculture française qui a toujours été une des sources principales de notre excédent commercial, pourrait devenir déficitaire en 2024 malgré les réformes successives de la Politique Agricole Commune née en 1962. La France pourrait importer plus de produits agricoles qu’elle en exporte, alors qu’elle est le  plus grand producteur agricole européen. Les exploitants agricoles ont les plus grandes difficultés à affronter la compétition des prix agricoles toujours plus bas, à cause des normes sociales, environnementales et sanitaires plus rigoureuses que celles de leurs concurrents. A cause aussi, des charges d’exploitation qui sont plus élevées en cette période inflationniste, que celles des producteurs étrangers.

Or avec des prix tirés toujours vers le bas, afin de satisfaire à la fois les industries agroalimentaires, la grande distribution et les consommateurs, beaucoup d’agriculteurs ne parviennent plus à vivre de leur travail pour nous nourrir.

Ils se trouvent aujourd’hui, pris dans plusieurs engrenages responsables de cette situation. Le premier d’entre eux, est celui de la production intensive fondée sur des rendements à grande échelle. Celui-ci, favorisé par la politique agricole commune, les a incités à produire toujours plus grâce aux aides européennes, et les a donc incités à réaliser des investissements très coûteux : construction de bâtiments, exploitation de nouvelles terres, achats de matériels et de machines, achats de graines, de produits phytosanitaires et achats d’animaux et d’alimentation pour les élever. Cette course effrénée aux rendements, rendue indispensable pour assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Union Européenne, qui a nécessité des moyens financiers conséquents pour financer ces investissements, les a fait basculer dans l’engrenage financier. Engrenage, dans lequel les banques sont devenues une partie prenante majeure et incontournable du développement de leurs exploitations. Pouvant décider du financement de tel ou tel projet agricole, elles se sont progressivement substituées à leurs décisions de production, rendant ainsi les agriculteurs dépendants à l’égard du système financier. Pris dans la spirale de l’endettement pour pouvoir produire toujours davantage et n’ayant plus le choix de leur production, de nombreux agriculteurs finissent hélas, par commettre l’irréparable. En France, un agriculteur se suicide chaque jour à cause de ces engrenages. Cependant beaucoup de banques refusent encore d’accorder des prêts aux petits exploitants. Ces derniers sont donc contraints de se tourner vers les coopératives agricoles pour obtenir les crédits auprès des banques afin de produire toujours plus. En contre partie, les coopératives leur assurent leurs débouchés en revendant leur production aux groupes agroalimentaires et aux centrales d’achats de la grande distribution. Or cette garantie commerciale, s’est faite au prix d’un contrôle de l’ensemble du circuit de distribution par tous ces intermédiaires imposant leurs prix pour accroître leurs marges malgré la loi ÉGAlim, privant ainsi les agriculteurs de pouvoir fixer réellement les leurs en fonction de leurs coûts de production. Pris dans cet engrenage commercial, de plus en plus d’agriculteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté et ne peuvent plus vivre. Cet engrenage commercial favorisé par le libre échange, a orienté notre agriculture vers une concentration des grandes  exploitations, provoquant ainsi la disparition de nombreuses fermes sur notre territoire. Ce qui réduit la diversité de notre agriculture au risque de mettre en péril notre souveraineté alimentaire.

Pour sortir de ces engrenages générant de grandes disparités économiques, sociales et spatiales entre les différentes filières agricoles, il devient urgent d’instaurer un mécanisme de prix agricoles garantis venant compléter la loi ÉGAlim. Un mécanisme qui devrait être par la suite relayé au niveau européen afin qu’une partie des aides européennes servent à réaliser cette garantie plutôt que de les distribuer selon la superficie agricole.  Il permettrait à nos agriculteurs et plus particulièrement aux petits et jeunes agriculteurs de pouvoir vivre de leur travail et de se projeter dans le futur.

De plus, ce mécanisme donnerait l’occasion à notre agriculture ayant donc plus de moyens financiers, de pouvoir maintenir sa diversité qui est unique en Europe et de pouvoir préserver sa souveraineté alimentaire face à la concurrence internationale. Il donnerait aussi l’occasion aux  grandes exploitations et aux petites exploitations, au conventionnel raisonné et au bio, de s’associer pour relever ensemble le défi du dérèglement climatique et de préparer l’agriculture de demain. Le paysan retrouverait ainsi toute la considération qu’il mérite tant au niveau national qu’européen.