15 juin 2020

Le coronavirus a fait resurgir certains vices de notre économie







La théorie des avantages comparatifs, fondée sur la doctrine du libre échange, a poussé l’économie française à se spécialiser dans les productions jugées les plus rentables, et à importer celles qui le sont moins. Ce choix stratégique industriel  a rendu notre système économique fortement dépendant à l’égard de certains biens fabriqués par la Chine et par l’Inde, notamment les médicaments.

Au nom de la rentabilité à court terme, notre économie s’est ainsi progressivement orientée dans le commerce international à flux tendus, préférant importer et préférant aussi faire faire, plutôt que faire. Cette stratégie des flux tendus, remplaçant celle du stockage et encourageant les délocalisations, a laissé notre dispositif sanitaire dépourvu en masques, en tests, en blouses et en appareils respiratoires.

A ces choix stratégiques internationaux, s’ajoute celui du choix de la réduction des dépenses publiques et des impôts appliquée par nos gouvernements successifs. Cette réduction des moyens dans les services publics et plus particulièrement dans les hôpitaux, a contribué à l’affaiblissement de notre système de santé, le rendant ainsi très vulnérable face aux risques sanitaires de grande envergure. Malgré cette dégradation, grâce à l’engagement sans relâche des  personnels soignants, il a pu toutefois contenir l’épidémie. L’engagement exemplaire  de ces personnels,  a démontré à la population, que la santé a été trop longtemps considérée comme un coût que l’on peut réduire au même titre que celui d’un produit.

Leur engagement a prouvé aussi, qu’avec moins d’impôts, les hôpitaux ont donc moins de  moyens médicaux pour sauver des vies en période de crise sanitaire grave.

Il a fallu vivre une crise pandémique pour percevoir ces vices économiques nuisibles à notre dispositif sanitaire. C’est pourquoi notre système de santé, ne doit plus être géré selon un mode de gouvernance managériale préférant l’efficience à l’efficacité des soins. Il doit  désormais être administré selon un mode de gouvernance médicale dans laquelle le soin retrouve toute sa dimension humaine.

A côté de ces vices économiques, la crise du coronavirus a fait apparaître d’autres vices. Elle a mis en lumière des métiers qui sont restés trop longtemps dans l’ombre tels que : les soignants, les éboueurs, les livreurs, les caissières des supermarchés, les personnels des Ephad, les agriculteurs locaux et les chercheurs, que notre économie reconnaît et rémunère si mal. Tous ces métiers qui étaient hier invisibles, font aujourd’hui,  l’objet dans l’opinion publique d’une reconnaissance unanime. Il a fallu une épidémie de Covid-19, pour s’apercevoir qu’ils sont indispensables pour notre santé, indispensables pour le fonctionnement de notre économie en pleine récession, et indispensables pour notre vie quotidienne.

Or, cette prise de conscience ne doit surtout pas s’arrêter après la disparition du virus.

C’est pourquoi, il faudra repenser la hiérarchie sociale de ces métiers à partir de leur utilité plutôt qu’à partir de leur productivité. La reconnaissance de ces professions ne peut se satisfaire seulement d’applaudissements et de grands discours. Elle doit se traduire par une valorisation salariale fondée sur une nouvelle grille salariale de ces métiers. Celle-ci ne pourra se faire qu’au prix de  transformations sociales et économiques conséquentes.
Sortir  de cette épreuve, nécessite donc de  changer ces vices en vertus en déconfinant notre économie de la rentabilité à court terme, afin qu’elle puisse faire face à d’autres périls et qu’elle puisse aussi mieux les anticiper.