La théorie des avantages comparatifs, fondée sur la
doctrine du libre échange, a poussé l’économie française à se spécialiser dans
les productions jugées les plus rentables, et à importer celles qui le sont
moins. Ce choix stratégique industriel a
rendu notre système économique fortement dépendant à l’égard de certains biens
fabriqués par la Chine et par l’Inde, notamment les médicaments.
Au nom de la rentabilité à court terme, notre
économie s’est ainsi progressivement orientée dans le commerce international à
flux tendus, préférant importer et préférant aussi faire faire, plutôt que
faire. Cette stratégie des flux tendus, remplaçant celle du stockage et
encourageant les délocalisations, a laissé notre dispositif sanitaire dépourvu
en masques, en tests, en blouses et en appareils respiratoires.
A ces choix stratégiques internationaux, s’ajoute celui
du choix de la réduction des dépenses publiques et des impôts appliquée par nos
gouvernements successifs. Cette réduction des moyens dans les services publics
et plus particulièrement dans les hôpitaux, a contribué à l’affaiblissement de
notre système de santé, le rendant ainsi très vulnérable face aux risques
sanitaires de grande envergure. Malgré cette dégradation, grâce à l’engagement
sans relâche des personnels soignants,
il a pu toutefois contenir l’épidémie. L’engagement exemplaire de ces personnels, a démontré à la population, que la santé a été
trop longtemps considérée comme un coût que l’on peut réduire au même titre que
celui d’un produit.
Leur engagement a prouvé aussi, qu’avec moins
d’impôts, les hôpitaux ont donc moins de moyens médicaux pour sauver des vies en
période de crise sanitaire grave.
Il a fallu vivre une crise pandémique pour percevoir
ces vices économiques nuisibles à notre dispositif sanitaire. C’est pourquoi notre
système de santé, ne doit plus être géré selon un mode de gouvernance
managériale préférant l’efficience à l’efficacité des soins. Il doit désormais être administré selon un mode de gouvernance
médicale dans laquelle le soin retrouve toute sa dimension humaine.
A côté de ces vices économiques, la crise du
coronavirus a fait apparaître d’autres vices. Elle a mis en lumière des métiers
qui sont restés trop longtemps dans l’ombre tels que : les soignants, les
éboueurs, les livreurs, les caissières des supermarchés, les personnels des
Ephad, les agriculteurs locaux et les chercheurs, que notre économie reconnaît
et rémunère si mal. Tous ces métiers qui étaient hier invisibles, font aujourd’hui,
l’objet dans l’opinion publique d’une
reconnaissance unanime. Il a fallu une épidémie de Covid-19, pour s’apercevoir
qu’ils sont indispensables pour notre santé, indispensables pour le
fonctionnement de notre économie en pleine récession, et indispensables pour
notre vie quotidienne.
Or, cette prise de conscience ne doit surtout pas
s’arrêter après la disparition du virus.
C’est pourquoi, il faudra repenser la hiérarchie
sociale de ces métiers à partir de leur utilité plutôt qu’à partir de leur productivité.
La reconnaissance de ces professions ne peut se satisfaire seulement
d’applaudissements et de grands discours. Elle doit se traduire par une
valorisation salariale fondée sur une nouvelle grille salariale de ces métiers.
Celle-ci ne pourra se faire qu’au prix de
transformations sociales et économiques conséquentes.
Sortir de cette épreuve, nécessite donc de changer ces vices en vertus en déconfinant
notre économie de la rentabilité à court terme, afin qu’elle puisse faire face
à d’autres périls et qu’elle puisse aussi mieux les anticiper.