Dix neuf pays européens partagent l’euro et tous ont tiré profit de notre
monnaie unique. Depuis sa création, l’euro remplit pleinement les trois
fonctions traditionnelles d’une monnaie : instrument de paiement, instrument de
mesure de la valeur et instrument de réserve. Si notre monnaie unique ne manque
pas de vertus, il reste exact qu’elle n’a toujours pas réussi à faire converger
les économies des dix huit Etats qui l’ont adoptée.
Des politiques monétaires inefficaces
L’euro a
ceci de particulier qu’il ne fonctionne bien que lorsque la conjoncture
économique est bonne. Inversement il se fissure dès que des difficultés
économiques surviennent, faute d’ajustement mutuel entre les Etats de la zone
euro. Ce paradoxe lui est consubstantiel : imposer une politique monétaire
unique à dix neuf Etats hétérogènes est au mieux une gageure, au pire une
folie.
Ce défaut structurel de l’euro explique bien des aspects de la crise monétaire
que traverse actuellement l’Union européenne. Le fonctionnement de la zone euro
tel qu’il a été pensé à la suite du traité de Maastricht a atteint ses limites
: un taux de change unique pour tous, n’est possible que si les situations
économiques des membres de la zone euro sont identiques. Or, dès l’instant où
l’hétérogénéité de départ n’a pas été corrigée, il n’a jamais été possible de
mettre en œuvre des politiques monétaires expansives en cas de ralentissement
de l’activité économique, ni à l’inverse, de freiner l’activité économique dans
des situations de surchauffe.
La sortie de l'euro est un leurre
A défaut de
pouvoir utiliser le levier monétaire à leur guise pour dévaluer leur monnaie,
les Etats membres de la zone euro sont contraints de recourir à des
dévaluations sociales pour améliorer leur compétitivité. De telles restrictions
sociales ne font qu’aggraver les inégalités et ne font que freiner davantage la
demande intérieure des Etats en question. Elles retardent d’autant la reprise
économique et accentuent la montée du chômage. L’euro a donc une part de
responsabilité tant dans la faiblesse des remèdes utilisés pour lutter contre
la crise actuelle que dans la mise en œuvre de politiques de rigueur.
Faut-il pour autant en déduire que la France devrait sortir de l’euro pour
retrouver les chemins de la croissance et de l’emploi ? La sortie de l’euro est
un leurre. Certains y voient une grande bouffée d’oxygène. Ceux-là nous disent
que le retour du franc qui serait immédiatement dévalué, permettrait un regain
de compétitivité. En récupérant sa souveraineté monétaire, la banque de France
pourrait financer le déficit budgétaire sans être sous la tutelle des marchés
financiers et l’Etat pourrait diminuer sa dette publique sans avoir besoin de
recourir à de nouvelles hausses d’impôts ni sans avoir à tailler sévèrement
dans les dépenses publiques.
Des conséquences négatives
Or, à y
regarder de plus près, la sortie de l’euro s’apparente plus volontiers à un
vaste saut dans l’inconnu et sans parachute de surcroit. Force est de rappeler
que sortir de l’euro provoquerait une dévaluation immédiate du franc, ce qui
renchérirait le prix de tous les biens importés (ces biens qui représentent
aujourd’hui plus du tiers du P.I.B). Cela provoquerait ainsi un appauvrissement
généralisé, notamment des plus modestes et la consommation s’effondrerait
durablement.
A défaut de consommation intérieure, les entreprises licencieraient en masse,
le chômage exploserait et les inégalités sociales se creuseraient. En outre, ce
retour du franc dévaloriserait considérablement l’épargne des agents
économiques. Cette ruine des épargnants pénaliserait sévèrement les
investissements et les entreprises asphyxiées par le crédit crunch fermeraient
en masse. Face à ce risque économique généralisé, il serait illusoire de croire
que la relance des exportations pourrait sauver notre économie. La baisse des
tarifs des exportations liée à la dévaluation du franc serait doublement
annulée par le renchérissement du coût des matières premières importées et par
l’inflation vertigineuse à laquelle notre économie devrait faire face.
D’autre part, la dévaluation sauf à ce que le franc atteigne des cours dignes
du mark de 1929, ne permettrait jamais à nos entreprises d’aligner leurs prix
sur ceux pratiqués par leurs concurrentes des pays émergents. L’écart social
entre ces pays et le nôtre rend impossible et insoutenable toute compétitivité
prix. Enfin est-il besoin de rappeler qu’une première dévaluation en appelle
souvent une autre, ce qui ferait courir le risque d’une guerre monétaire au
niveau européen. Ces risques de change créeraient un climat de défiance nocif
pour les échanges et pour la croissance économique. Ils conduiraient rapidement
au rétablissement de barrières protectionnistes entre les Etats européens ayant
quitté la zone euro.
L'euro souffre d'un déficit d'Europe
Par ailleurs, cette instabilité
monétaire provoquée par la sortie de l’euro, alourdirait la dette extérieure
qui est libellée en euros, et qui et de fait, n’attirerait plus les
investisseurs. La crainte d’une accélération de l’inflation ferait monter les
taux d’intérêt et renchérirait le coût de la dette publique. La fuite des
capitaux deviendrait inévitable, l’investissement s’effondrerait et la perte de
confiance dans la monnaie obligerait à des augmentations drastiques des taux
d’intérêt qui empêcheraient tout retour rapide de la croissance. Une sortie de
l’euro isolerait ainsi la France au sein de l’Europe ainsi qu’au sein de la
scène internationale monétaire. Pourtant si quitter l’euro est une voie
périlleuse pour notre économie, y rester en l’état est aussi dangereux.
L’euro souffre d’un déficit «
d’Europe » et d’une absence de gouvernance économique collective. Une monnaie
unique, suppose de franchir les étapes de l’intégration fiscale, budgétaire et
sociale. Ces étapes ont toujours été repoussées pour finalement ne jamais se
réaliser et ce alors même, qu’elles permettraient de renforcer l’homogénéité
des pays européens et de les rapprocher. Cela n’est jamais allé au-delà des
mots. La crise a révélé cet inachèvement. Il est donc urgent de relancer ce
processus d’intégration européen sur des bases coopératives et de solidarité
afin d’éviter de prendre la variante d’une sortie de l’euro conduisant à
l’éclatement de l’Europe. C’est pourquoi il faut résister à un éclatement de la
zone euro et tout faire pour établir un bon fonctionnement de l’euro sur ces
bases là !