Le chômage : une variable d'ajustement inavouée ! |
Notre économie, pourrait connaître de nouveau la récession en 2013.
La dégradation du marché du travail, inquiétante par son ampleur, risque de
s’accélérer durant toute l’année 2013. Le nombre de chômeurs de catégorie A pourrait
dépasser le seuil des quatre millions. Voilà le signe que le chômage reste
toujours le point noir de notre économie. Cela fait maintenant plus de quarante
ans qu’il dure et aujourd’hui il menace des pans entiers de la population
active. Tous les salariés ne sont pas frappés de la même façon : les
jeunes, les moins qualifiés, les femmes et certains « séniors » sont
de loin les plus exposés.
Le
chômage en France a connu quelques
timides baisses entre 2000-2002 et 2006-2007, mais en fin d’année 2013 il
pourrait bien dépasser la barre des 10.5% de la population active. En Europe,
il a franchi les 10% de la population active et s’élève à 20% dans certains
États européens. En l’espace d’un an le nombre de chômeurs a ainsi considérablement
augmenté. La dégradation est d’autant plus inquiétante que les effets des plans
d’austérité sur la croissance sont particulièrement négatifs.
Alors
pourquoi une telle impuissance à faire reculer cette maladie économique et
sociale ? Serait-elle devenue incurable, comme sembleraient l’indiquer les
chiffres depuis plusieurs années ? Le chômage est en train de se banaliser
et devient désormais un mal économique auquel il faudra s’habituer et qu’il
faudra supporter même en période de croissance. Aujourd’hui, à défaut de
traitements économiques coordonnés et efficaces
au niveau européen, les pouvoirs publics ne prescrivent plus qu’un traitement
social pour l’atténuer, qui malheureusement trouve rapidement ses limites
devant la gravité de la maladie. En réalité, ce mal qui n’épargne aucun
salarié, qui entretient toujours la crainte de l’exclusion sociale et du
désespoir, n’est toujours pas devenu une réelle priorité des politiques
européennes. Pourquoi ? Ferait-il moins de dégâts sur notre économie que
la crise financière ? Ou ferait-il plus de bien que de mal à certains
acteurs de la vie économique ?
Nous voilà au cœur du débat. Un niveau élevé de chômage fragilise le monde du travail et le pouvoir
syndical. Un chômage quasi-permanent déséquilibre les rapports sociaux entre
l’entreprise et les syndicats. Il décourage toute revendication salariale par
crainte de menacer l’emploi. Certaines entreprises tirent profit de cette
situation, car toute modération salariale représente pour elles, des gains
de
compétitivité supplémentaires pour affronter la concurrence internationale. De
fait, le chômage permet de maintenir un partage de la valeur ajoutée qui leur
est plus favorable qu’aux salariés, leur permettant d’accroître ainsi leurs
profits. Qui s’en plaindrait, si davantage de profits créaient davantage d’emplois ?
Or, ces profits d’aujourd’hui, à défaut de consommation supplémentaire ne font
pas les investissements de demain ni les emplois d’après demain. Bien au
contraire, ils se détournent trop souvent de l’économie réelle pour alimenter les
placements financiers.
Le
chômage entretiendrait donc le chômage en freinant la progression du pouvoir
d’achat. Alors y a-t-il vraiment urgence
à mettre fin à une spirale qui favorise à court terme la segmentation du
marché du travail en nourrissant la dualité entre les contrats précaires et les
contrats à durée indéterminée ?
Cette
division fait le jeu des entreprises car elle met les salariés en concurrence
déloyale et leur fait supporter un sentiment d’injustice qui les oblige à
accepter la précarité pour renouer avec le plein emploi. Ainsi, au nom d’une
certaine éthique sociale et d’une efficacité économique, l’unification des
contrats de travail devient nécessaire. Cette unification passe par la fusion
de leurs durées, par plus de flexibilité et par moins de protection afin de
maintenir des emplois ou d’en créer dans un environnement de plus en plus
concurrentiel. Faudrait-il alors accepter moins de protection sociale pour plus
d’emploi ?
Dans
cette situation sociale convalescente, aggravée par la rigueur, le chômage sert
d’alibi pour justifier les réductions de salaire et les déréglementations
sociales afin de doper la compétitivité. Le chômage est bien le signe que le
travail est toujours considéré par les entreprises comme une charge et non
comme une ressource humaine. Or, tant que les entreprises n’auront que cette approche comptable du travail, rien
ne changera. Tant qu’elles n’auront pas intégré le travail comme une ressource
et non uniquement comme un coût dans leur culture ou modèle de management, il
sera toujours plus difficile pour les gouvernements de réduire véritablement le
chômage. Toutes les mesures financières et fiscales incitatives à la création
d’emplois prises en faveur des firmes n’ont jamais permis d’accroître
durablement et globalement les offres d’emplois. Elles ont le plus souvent
débouché sur une création marginale d’emplois.
Le chômage deviendrait-il désormais une variable sociale inavouée
d’ajustement utile pour restaurer la compétitivité ? En tout état de
cause, cela expliquerait la faible mobilisation générale pour l’éradiquer
définitivement !