Dans un contexte où une récession chasse l’autre avant même que la croissance ait pu repartir, les enseignements de la crise de 2008 semblent oubliés. La surenchère des plans d’austérité en a rapidement éclipsé une autre : celle de l’automne 2008 où les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro se rependaient en déclarations de bonne volonté sur les thèmes de la régulation des marchés financiers.
Tous expliquaient alors que le sauvetage des banques aurait pour contrepartie leur stricte régulation. En France, les revues économiques titraient sur la revanche de Keynes et même dans le monde financier on semblait moins perméable aux arguments des bienfaits de la dérégulation. Depuis, les traders ont retrouvé leurs bonus, les spéculateurs leur cupidité et les banques leurs profits. Les Etats, quant à eux, se sont terriblement endettés pour sauver une finance à la dérive et une croissance atone. Et voilà que les rescapés d’hier appellent aujourd’hui à l’austérité budgétaire et à la flexibilité du travail, sans même se soucier de la croissance de demain. Leur vision court-termiste précipite les Etats dans une spirale déflationniste dont aucun agent économique ne sortira indemne.
Naturellement, la réduction des déficits budgétaires à moyen terme est indispensable. Les Etats ne peuvent conserver indéfiniment des taux d’endettement élevés au point que la charge de la dette se hisse parmi leurs premiers postes de dépenses budgétaires. Mais la réduction des déficits ne peut être mise en œuvre efficacement que dans un contexte de croissance solide et stable.
L’Europe s’est engagée trop tôt dans le pari de l’austérité. Elle fait courir le risque d’étouffer la croissance et d’enliser l’économie dans un chômage de masse. Elle précipite son économie dans ce cercle vicieux où la rigueur appelle la rigueur. Et, où la dérèglementation sociale accentue la précarité sociale et attise les poussées extrémistes.
Neuf pays européens sont depuis entrés en récession, la France pourrait très vite rallonger la liste. A l’inverse, ce n’est qu’en pariant, sur une politique commune de croissance et de l’emploi souhaitée par la France, que les pays européens remettront les finances publiques en ordre et rétabliront la confiance des investisseurs. Le salut ne peut venir que d’un New-Deal européen permettant le retour de la croissance et de l’emploi, certainement pas en prenant le risque d’une austérité généralisée. Devant l’échec de l’austérité européenne, l’Europe souhaiterait enfin s’engager sur les chemins de la croissance. Cependant elle semble vouloir faire le choix d’une relance par la politique de l’offre, fondé sur ces postulats que l’assainissement comptable de l’Etat et que la dérèglementation du marché du travail, sont les conditions sine qua non à la reprise de toute croissance durable.
Or la récession qui gagne l’Espagne et le Royaume-Uni montre que ces postulats ne fonctionnent pas. La précarité ne peut pas garantir une croissance forte. La rigueur est incompatible avec le redémarrage de l’activité économique.
Aujourd’hui, l’Europe semble pourtant en suivre aveuglément les préconisations comme si l’offre pouvait à elle seule, être le seul moteur de la croissance.