27 juin 2008

Toisième Choc Pétrolier : un électrochoc ? ( cliquez sur le titre pour voir la vidéo)


La flambée du prix du pétrole, dans une conjoncture secouée par la crise des crédits hypothécaires, fait valser les étiquettes des produits de consommation courante.
Cette poussée de fièvre inflationniste pourrait bien vite s’étendre à l’ensemble des produits et aggraver la dégradation du pouvoir d’achat dans un contexte où le baril pourrait atteindre le seuil des 160 $ voire davantage, selon les mouvements spéculatifs des marchés financiers.

Faut-il alors craindre un troisième choc pétrolier ? Si oui, quelles pourraient en être les menaces et les opportunités pour notre économie ?

Cette flambée de l’or noir résulte avant tout d’un accroissement de la demande, bien supérieure à l’offre, amplifié par une spéculation profiteuse. Cette hausse est ainsi de plus en plus douloureuse pour des millions de ménages dont les fins de mois deviennent difficiles. Leurs dépenses de transport sont devenues leur deuxième poste budgétaire et certains sont obligés de réduire leurs dépenses alimentaires en fin de mois, quand d’autres puisent dans leur épargne pour maintenir leur niveau de vie. La situation est tout aussi dramatique pour les entrepreneurs qui consomment de plus en plus de carburant pour faire tourner leurs camions, leurs tracteurs ou leurs bateaux. Ces secteurs d’activité sont touchés de plein fouet par cette fièvre noire qui menace leur activité. Une telle hausse asphyxie leur rentabilité et fragilise les emplois dans un environnement devenu de plus en plus concurrentiel.
Il y a donc urgence à endiguer cette poussée inflationniste exogène qui dégrade rapidement le pouvoir d’achat des ménages modestes, et affaiblit considérablement les activités économiques dépendantes de l’or noir.

Or devant une telle conjoncture l’Etat a –t-il les moyens d’atténuer la fièvre inflationniste ?
Dans l’urgence, l’Etat ne peut que rendre la fièvre moins douloureuse pour les acteurs économiques les plus vulnérables. Il est capable d’atténuer l’ampleur du choc ou de le rendre plus supportable en détaxant le carburant pour certains agents économiques et en exonérant les charges sociales proportionnellement à la hausse du prix du pétrole pour les professions durement touchées. Mais cela suppose de pouvoir cibler les ménages et les entrepreneurs les plus touchés par la crise pétrolière.
Le gouvernement a d’ailleurs mis en place un projet de redistribution du surplus de la TVA sur l’essence qui pourrait se généraliser en Europe, octroie des aides fiscales aux salariés éloignés de leur lieu de travail.
Mais face à une fièvre mondiale, l’Etat disposera-t-il suffisamment de moyens pour alléger durablement ce poids inflationniste ? Pourra-t-il maintenir de telles aides sans compromettre les engagements à long terme sur les énergies alternatives ?
En cherchant à réduire les menaces de ce troisième choc, il ne faudrait pas en limiter aussi ses opportunités. L’urgence ne doit pas nous faire oublier l’avenir !
Car au-delà de l’urgence, la hausse du prix du pétrole est un signal. Il faut tout de même se rendre à l’évidence qu’en 2050 il n’y aura plus de pétrole.
Les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 ont induits des changements importants dans le secteur du nucléaire par exemple, mais n’ont pas permis de modifier nos normes de consommation et de production.
Or, ce troisième choc pourrait créer l’électrochoc capable de nous inciter à changer nos manières de consommer et de produire. Cela demandera beaucoup de temps et sera difficile, car les pays émergents auront du mal à renoncer à leur stratégie économique dans une période de pleine croissance.
Pourtant, aujourd’hui, il y a urgence à poursuivre et à amplifier nos efforts dans la recherche de produits substituables au pétrole.
Le troisième choc pétrolier pourra-t-il déclencher des électrochocs politiques, industriels et culturels ?

L’électrochoc politique semble s’être amorcé par les mesures urgentes envisagées dans chaque pays pour faire face à la flambée du prix du baril. L’ampleur de la dégradation de l’environnement naturel et économique est telle, que les scientifiques et les économistes tirent depuis quelques années le signal d’alarme.
Or, la question n’est plus seulement scientifique et économique, elle est dès à présent politique. Elle implique des choix dans le fonctionnement des rouages de notre économie et dans nos modes de vie. C’est là que la volonté politique, à l’égard des générations futures, devrait tracer et imposer les voies d’une nouvelle forme de croissance économique au service de l’homme ! La France s’y oriente à travers le Grenelle de l’environnement, mais la voie tracée sera longue. L’Europe pourrait bien être capable d’impulser un tel changement au sein de ses pays membres en vertu de sa souveraineté institutionnelle, et ensuite, convaincre les Etats-Unis et la Chine de s’y engager rapidement car il en va de l’avenir de chacun. A cet égard, contraint par cette fièvre de l’or noir, un engagement plus ferme des pouvoirs politiques, permettrait de minimiser l’influence des spéculateurs davantage soucieux du baromètre de la bourse que de l’avenir de l’humanité. Cet engagement politique est indispensable pour provoquer d’autres électrochocs.
Depuis les deux chocs pétroliers, de gros efforts industriels ont été entrepris mais n’ont pas su s’inscrire dans la durée. Or, sous la pression inflationniste, voici désormais l’opportunité d’accélérer la mise en œuvre d’une politique industrielle pérenne : la production de la voiture propre, le ferroutage, les énergies solaires, les matériaux durables, les transports ferroviaires dans les zones rurales, les innovations dans le bio…
Soumise à une volonté politique ferme et unitaire, cette reconversion pourrait enfin faire sauter les verrous des lobbies pétroliers.
Cette succession d’électrochocs trace les voies d’un développement durable, et pourrait même en déclencher un autre dans nos comportements. Le pétrole va se raréfier à nouveau et coûter encore plus cher.
Il faudra bien se résigner à changer nos habitudes de consommation car c’est une question de survie économique pour des populations entières ainsi que pour les générations futures.Notre égoïsme déclenchera-t-il alors cet électrochoc humaniste ?

11 juin 2008

Concurrence : vice ou vertu !

concurrence : vice ou vertu ?
La flambée du prix du pétrole et des produits céréaliers, fait valser les étiquettes des produits de consommation courante. L’inflation serait-elle de retour ? Cette poussée de fièvre inflationniste se situe autour de 3,3% en France, niveau jamais atteint depuis 1992 même si l’on est bien loin des taux dépassant les 10% dans les années 80. Cette fièvre pourrait bien vite s’étendre à l’ensemble des produits et aggraver la dégradation du pouvoir d’achat.
Alors faut-il renforcer la concurrence pour la faire baisser ? Est-ce vraiment un bon moyen de faire gagner du pouvoir d’achat aux ménages ?

L'exemple de la hausse des cours des produits céréaliers résulte d'un accroissement de la demande, bien supérieure à l'offre. Il est donc peu probable que l'intensification de la concurrence entre les grandes enseignes commerciales soit suffisante pour atténuer cette fièvre inflationniste. Dans un contexte de crise des crédits hypothécaires et de croissance en berne, une telle hausse des prix sera difficile à enrayer. C’est pourquoi on peut douter des vertus d’une concurrence plus libre et plus intense.
En outre lorsqu’il y a peu d’offreurs sur un espace commercial, la concurrence est moins vive et les unités commerciales ne sont pas incitées à baisser leur prix. Au contraire, lorsqu’ils sont nombreux, leur compétition s’intensifie et les amène à réduire leur prix pour gagner ou conserver leurs parts de marché. Il en va de leur intérêt. C’est la loi du plus fort qui régit la libre concurrence. Celui qui pourra baisser ses prix par rapport à ses concurrents sera ainsi récompensé par le marché, et l’autre qui ne le pourra pas sera sanctionné. La concurrence profite ainsi aux entreprises les plus fortes qui font gagner du pouvoir d’achat aux consommateurs avec des prix faibles.
Or la loi Raffarin en réglementant l’urbanisme commercial afin de protéger les petits commerces de moins de 300m², a freiné l’essor du nombre de maxidiscounts.
Elle a amoindri la compétition entre les vendeurs devenus moins nombreux pour écouler leurs produits que se disputent les acheteurs. Cette réglementation a conduit à moins de concurrence entre les distributeurs et, aujourd’hui empêche les baisses de prix tant espérées. D’où la nécessité de la supprimer pour restaurer une concurrence plus libre et plus vive capable d’endiguer cette inflation. Mais comment peut-on faire autant d’éloge à une concurrence excessive ?

La libre concurrence est gage d’efficacité économique en théorie, mais elle fait plus de mal que de bien en pratique. Une multitude d’unités commerciales et de Hard discounts n’est pas synonyme de concurrence réelle, bien au contraire !
La plupart des enseignes commerciales sont intégrées dans un réseau commercial composé de plusieurs formats : des hypermarchés, des supermarchés, des supérettes et des hardiscounts, et par ce maillage, occupent des zones entières du territoire commercial local. (c’est le cas par exemple du réseau Carrefour qui comprend : les hypers Carrefour, les supermarchés Champion, les supérettes Shopi, les points de vente Huit à Huit et les hardsicounts E.D.).

Cette atomicité déguisée de l’offre commerciale maquille en réalité la baisse des prix entre ces mêmes enseignes à travers leurs assortiments différents, leurs promotions respectives plus fréquentes et, fausse donc les règles de la concurrence, car étant de la même maison elles ne peuvent pas vraiment s’affronter. Ce développement des réseaux des unités commerciales, qui a été le moyen de préserver leur avantage concurrentiel face à une concurrence exacerbée, constitue aujourd’hui des quasi-monopoles.
Apparaît alors le « paradoxe de la concurrence » : où la concurrence engendre son contraire.
Plus de concurrence conduit finalement à moins de concurrence en éliminant de la compétition les entreprises les plus vulnérables et aggrave ainsi le chômage. Or moins d’emploi, c’est aussi moins de pouvoir d’achat. Elle favorise aussi les mouvements de concentration grâce au développement des réseaux et des fusions entre entreprises et réduit ainsi la concurrence à quelques offreurs qui imposent leurs conditions de prix aux petits producteurs.
Dans cette logique de marché concurrentiel déréglementé, où chacun poursuit son propre intérêt, les distributeurs pourraient être amenés à développer davantage les produits d’importation plutôt que les produits français pour conserver leurs marges en vendant moins cher, ce qui n’est pas sans risque pour l’emploi et la qualité des produits.
De plus une concurrence accrue incite les entreprises à réduire leurs coûts salariaux, donc à précariser davantage le travail et à modérer encore plus la progression des salaires. Ainsi le gain marginal obtenu par la baisse des prix est atténué par l’effet négatif sur le niveau de salaire qu’elle induit. Le gain de pouvoir d’achat n’est dans ce cas qu’une illusion.
Face à une poussée inflationniste exogène, le renforcement de la concurrence reste un remède impuissant et inapproprié dont les effets secondaires peuvent être dangereux. Car son intensité pourrait désactiver le moteur de la consommation en affaiblissant davantage les salaires, ce qui mettrait en péril la croissance déjà fragilisée et l’emploi encore bien timide.
Le retour d’une concurrence plus forte dans une conjoncture économique instable ne ferait-il pas craindre le risque d’une stagflation ?